mardi 15 octobre 2019

Pour Ève Ruggieri, vous saviez ?

Au cours d’un dîner, Myriam Revault d’Allones a relaté une scène qu’elle avait vécue récemment, digne des meilleurs films comiques. Dans la synagogue de la rue de la Victoire, à Paris, lors de la célébration du Nouvel An juif (en automne 2019), elle avait été assaillie par tout un groupe de femmes qui l’avaient prise pour Ève Ruggieri :

« Ève Ruggieri ! C’est Ève Ruggieri ! »

Ève Ruggieri, ou
Myriam Revault d’Allones ?

Certaines avaient peut-être déjà vu Myriam Revault d’Allones (Revault d’Allones est son nom marital) sur le petit écran et avaient gardé la mémoire de son visage, ce qui aura probablement contribué à la méprise.

Or, la philosophe et politologue avait beau protester (« Mais je ne suis pas Ève Ruggieri ! »), personne ne voulait l’entendre, et les admiratrices continuaient de plus belle : « Madame Ruggieri ! »… « Je ne savais pas que vous étiez juive ! » Etc.

Myriam Revault d'Allones,
ou Ève Ruggieri ?

Cernée de toutes parts, ou presque, elle n’avait pas eu d’autre possibilité, pour échapper au tumulte et retrouver un peu de tranquillité, que de prendre la fuite !

À coup sûr, le soir même et dans les jours qui ont suivi, on a pu entendre dans certaines familles des propos de ce genre : « Vous saviez qu’Ève Ruggieri était juive ? Si, si ! Je l’ai vue à la synagogue, et il y avait un tas d’admiratrices autour d’elle ! »

Ève Marie France Augustin-Henrot, épouse Ruggieri, est née à Limoges. Son père, Jean Augustin, était le fils de Jean Georges Fernand Augustin et de Maria-Stéphanie Héritier. Sa mère, Marie-Paule Boussely, fille de Firmin Boussely et de Marguerite Chabassier, n’avait pas tardé à se remarier avec un certain Lucien Henrot, qui est devenu son père adoptif. La célèbre présentatrice porte le nom de son premier mari, François Ruggieri.


Sources : Myriam Revault d’Allones (conversation en ma présence) ; geneanet.org ; Wikipedia.

jeudi 5 septembre 2019

Yann Moix n’est pas le Juif du mois

Depuis le temps que je me sens juif, il serait temps que je le devienne. – Yann Moix, interviewé par Tribune juive en 2007.

C’est une fois de plus sur Facebook que j’ai pu lire une affirmation, de la part d’une internaute juive elle-même, selon laquelle Yann Moix, sans être juif par sa naissance, le serait devenu.

La réalité est que Yann Moix déclare lui-même vouloir devenir juif, mais qu’à ce jour, il est loin d’avoir réalisé ce vœu. Il affirme également que sa famille descend des marranes, mais c’est le cas de nombreux Français et de nombreux Espagnols qui ne sont pas juifs pour autant.

Le Moix à venir ?

Le site internet intitulé « Juifs célèbres », auquel j’ai déjà fait référence, fait évidemment grand cas de Yann Moix, et l’administrateur cite une petite partie des excentricités verbales du personnage sur ce sujet, puisées dans Tribune juive.

En fait, il reproduit des déclarations qui peuvent laisser penser que Moix est juif, mais s’abstient soigneusement de citer le reste, notamment celles qui montrent qu’il ne l’est pas. Comblons donc cette lacune :

Je suis en train de devenir juif. Tranquillement, sincèrement : à mon rythme.

[...] Je ne sais pas si je me sens juif, ou si je sens que je le suis.

[...] Je me connais : je n’aurais pas supporté d’être juif en naissant. Je n’aurais pas supporté qu’on me demande d’être ce que je préfère en réalité devenir. Alors je suis en train de devenir ce que d’autres ont toujours été. Certains sont totalement juifs le jour où ils naissent, peut-être que je serai totalement juif le jour où je mourrai. J’ai tout mon temps.


Je ne souhaite pas prendre part aux polémiques qui ont cours sur le personnage à l’heure ou ces lignes sont écrites. Je crois savoir que Yann Moix a déjà beaucoup lu et étudié (mais sans doute pas assez, à en juger par ce qu’il révèle encore de sa mentalité), et participé à des repas et à des cérémonies. Il demeure qu’à ce jour, il n’a pas accompli ce que signifie devenir juif pour quiconque n’est pas né juif : une conversion en bonne et due forme, validée par une autorité rabbinique.

Tout le reste n’est que bavardage.


Sources : Tribune juive.

vendredi 9 août 2019

Hardies sont ces allégations sur Ardisson !

Une fois de plus, c’est sur Facebook que j’ai pu lire, à croire une internaute, juive elle-même, que Thierry Ardisson serait juif. J’ai lu ensuite qu’il aurait évoqué des origines juives algériennes. Naturellement, cette rumeur est aussi propagée par les sites antisémites que l’on sait.

Le notable juif et chroniqueur Jean Corcos dénonce dans la presse juive et sur son blog le conspirationnisme antisémite :

Il aura suffi d’un mot...

[T]ous les jours, je note entre 15 et 20 % (parfois beaucoup plus quand ces noms reviennent en « tête de gondole » de l’actualité) de recherches associant le mot « juif » à :
- François Hollande ;
- Patrick Sabatier ;
- Thierry Ardisson ;
- Jean-Marc Morandini ;
- et deux personnalités d’origine musulmane, Roschdy Zem et Rachida Dati ! […]


Jean Corcos précise, à propos de Thierry Ardisson :

[…] les innombrables visiteurs s’interrogeant sur son imaginaire judaïté viennent en raison d’un article vieux déjà de trois ans, et où le mot « juif » était joint à son patronyme.

Passons sur le fait qu’Ardisson ait invité un jour Dieudonné sur son plateau pour présenter son spectacle antisémite, ainsi que Thierry Meyssan pour promouvoir son livre négationniste. Passons également sur le fait que ses épouses successives, Béatrice Loustalan et Audrey Crespo-Mara, ne sont pas juives et que sa première épouse se prénommait Christiane. Passons aussi sur ses convictions royalistes.

Plus important pour ce qui nous occupe : « Issu d'une vieille famille du Comté de Nice, mais né dans la Creuse, le 6 janvier 1949, Thierry, Pierre, Clément Ardisson est le fils de Victor Ardisson, ingénieur catholique, et de Juliette, Renée, Ardisson, née Gastinel […] » (Night Life)

Bien entendu, Gastinel, comme nom de famille, n’est pas plus juif qu’Ardisson.


Sources : Night Life ; rencontrejudaïquesfm (blog de Jean Corcos) ; Wikipedia.

mercredi 7 août 2019

Jacques Tajan et les peintres juifs

Comme je l’ai mentionné dans mon article précédent, des gens s’étaient imaginé, sans doute en raison des ventes d’œuvres d’artistes juifs de l’École de Paris, que les trois associés de l’étude de commissaires-priseurs Ader, Picard & Tajan, à savoir Étienne Ader, Jean-Louis Picard et Jacques Tajan, étaient juifs.

Un jour, dans un restaurant juif de la rue des Rosiers, je m’étais retrouvé attablé avec trois jeunes hommes que je ne connaissais pas, et l’un d’entre eux s’était présenté comme étant le petit-neveu d’Étienne Ader, ou peut-être, le neveu de son fils Rémi Ader (ibid.). C’était au début des années quatre-vingt-dix.
La France des Tajan



Le paradoxe de cette situation est que, comme ce jeune homme me l’avait précisé, les Ader n’étaient pas juifs… et Jacques Tajan non plus.

Qu’en était-il de Jean-Louis Picard ? Ma mémoire n’a pas tout retenu, mais même s’il existe des Juifs qui s’appellent Picard, il est certain qu’une grande majorité des Français qui portent ce nom ne sont pas juifs et ne l’ont jamais été.

Par ailleurs, en raison d’incompatibilités entre les trois associés, la société allait être dissoute très peu de temps plus tard. Jean-Louis Picard, Jacques Tajan et Rémi Ader, héritier de son père Étienne Ader, allaient dès lors poursuivre leurs activités chacun de son côté.

Pour en revenir à Jacques Tajan, dont il est question ici, son nom, bien que se terminant comme Darbarjan, Karajan et Sabouridjan (qui ne sont pas des noms juifs), n’est pas d’origine étrangère. C’est un nom apparenté à Tajean ou bien à Taillant, et c’est le nom d’une commune de France, dans les Hautes-Pyrénées.

Dans tous les cas, c’est de cet endroit, les Hautes-Pyrénées, que les Tajan sont originaires, et non pas de l’Est du bassin méditerranéen, ni d’Iran, ni d’Arménie... ni de je ne sais où encore.


Sources : ader-paris.fr (Ader, Nordmann & Dominique) ; filae.com ; Geneanet (sur le patronyme Tajan) ; Geneanet (sur les prénoms des Tajan) ; geopatronyme.com ; Google Map (commune de Tajan) ; Wikipedia (sur Ader-Nordmann) ; Wikipedia (sur Jacques Tajan).

lundi 5 août 2019

Même si l’on trouve Adler chez Ader...

C’est dans le contexte de l’organisation d’une vente de tableaux de l’École de Paris que j’avais entendu parler, pour la première fois, du trio de commissaires-priseurs Ader, Picard et Tajan.

Sachant que le nom Picard est quelquefois porté par des Juifs, et sachant que cette société de ventes aux enchères s’est occupée, entre autres, de vendre des toiles de peintres juifs, on a vite fait de fantasmer sur les trois noms qui précèdent... et sans doute plus particulièrement sur le nom Ader. C’est ainsi qu’on m’avait dit un jour que les Ader étaient des Juifs (voir aussi mon article sur Clément Ader). Paradoxalement, c’est dans un restaurant juif de la rue des Rosiers qu’un petit-neveu d’Étienne Ader, dont il portait également le patronyme, m’avait détrompé.

Un tableau de Karol Adler
mis en vente par Ader...

Étienne Jean Yves Marie Ader était le fils de Jean Ader et d’Alice Guérin. Outre que Guérin n’est pas un nom porté par des Juifs et que le deuxième prénom de l’intéressé était celui de son père, le prénom Marie, comme je l’ai déjà expliqué à propos d’Alain Juppé, ne peut pas figurer dans l’état-civil d’un Juif : à la fois parce que c’est un prénom féminin, et parce que ce prénom fait évidemment référence à la mère de Jésus-Christ.

Durant la Seconde Guerre mondiale, selon un article de Jean Dutour paru dans le quotidien Action en 1945, « Maître Étienne Ader avait fait de l’Hôtel Drouot un véritable salon franco-nazi » :

[…] Les nouveautés sont à trouver dans le chapitre sur l’Hôtel Drouot dont l’accès est interdit aux Juifs en 1941. Les noms des commissaires-priseurs Étienne Ader, Alphonse Bellier et Henri Baudoin et des experts André Schoeller et Martin Fabiani reviennent souvent, même dans les cas de ventes sur ordonnance de « biens israélites » comme ceux d’Alphonse Kann, Elie Fabius, Jos. Hessel et du stock de la galerie Bernheim-Jeune. […] (Guy Boyer)

À la fin des années soixante-dix, Étienne Ader cédait sa charge à son fils Rémi Ader, lequel n’était pas plus juif que son père mais allait être rejoint par maître David Nordmann en 2004, avant de céder ses parts à maître Xavier Dominique. Aujourd’hui ce n’est plus Ader, Picard & Tajan mais Ader, Nordmann & Dominique.


Sources : ader-paris.fr (Ader, Nordmann & Dominique) ; Connaissance des arts ; geneanet.org ; Marcel & Simone.

lundi 15 juillet 2019

Isabelle Adjani, l’Algérie et les Juifs

Je suis une mère absolue, une mère juive, une mère infernale, mais je fais tous les efforts pour me mettre en retrait quand il le faut. — Isabelle Adjani, Purepeople.

Le bobard selon lequel Isabelle Adjani serait juive est bien évidemment colporté par des « conspis » de la toile, des détraqués primaires qui cherchent à se convaincre et à convaincre quiconque les écoute que les Juifs sont un peuple malfaisant qui infiltre tous les milieux en vue de dominer le monde.

Le keffieh : Isabelle l’a déjà mis

Pourtant, la célèbre actrice — dont on voit mal où serait le côté malfaisant — avait déclaré un jour qu’il lui était probablement arrivé de refuser d’interpréter le rôle d’une Juive au cinéma par une sorte de « solidarité aveugle » avec son père. Celui-ci, un Français originaire de Constantine, en Algérie, s’appelait Mohammed Chérif Adjani et le grand-père d’Isabelle Adjani s’appelait Saïd Hadjami (donc, Hadjami est devenu Adjani).

La mère d’Isabelle Adjani s’appelait Augusta Emma Schweinberger. À propos des noms en « -berger », voir mon article sur Dominique Bromberger.

« Ma mère était bavaroise. Elle se sentait très mal dans un pays où elle était arrivée sans parler un mot de français et ne supportait pas que son mari soit algérien. Elle disait qu’il était d’origine turque et je le croyais. Entre mes parents, il y avait un racisme conjugal. Ma mère traitait mon père de « Crouille », et lui, répondait : « Sale Boche ! » Il s’appelait Mohammed, mais ma mère l’avait obligé à changer de prénom. Sur notre boîte aux lettres, il y avait : « Chérif Adjani ». Ma mère trouvait que ça faisait américain. » (interview pour le Nouvel Observateur, 1985)

« Ma mère [...] était allemande et a été emmenée, presque enlevée, quand elle avait vingt-cinq ans, par mon père qui était algérien et qui en avait dix-huit. [...] Il l’a convaincue de le suivre, s’est fait menaçant pour arriver à ses fins... Elle était une otage, une otage qui n’a pas pu pardonner à son ravisseur [...] » (dans les Inrocks, citée par Closer).

Isabelle Adjani porte sur elle l’empreinte de cette mésentente fondamentale, explique France-Dimanche, puisque son prénom, Isabelle, témoigne d’un combat que son père avait perdu : « Il aurait voulu m’appeler Yasmine, mais elle a refusé. Et il a obéi ».


Sources : Algérie 7 ; Closer ; Gala ; France-Dimanche ; Wikipedia.

vendredi 12 juillet 2019

Julio Iglesias, plus proche des églises que des synagogues

Le public a été surpris d’apprendre que sa mère était juive et qu’il était lui-même « juif à partir de la taille ». – Brian Blondy, Julio Iglesias charms in Tel Aviv, article paru dans le Jerusalem Post (9 septembre 2009).

En avril 2019, quelqu’un a publié sur Facebook un lien vers une page du site Juifs célèbres consacrée à Julio Iglesias, datant de 2009. En visite en Israël, celui-ci aurait déclaré que sa mère était juive, et qu’il était lui-même « juif à partir de la taille ». Naturellement, une autre personne a aussitôt publié ce commentaire : « Je ne savais pas qu’il était juif ! »

Que signifie « être juif à partir de la taille » ? Pour en avoir une idée, imaginons un instant que quelqu’un se dise « musulman à partir de la taille », « arabe à partir de la taille », « arménien à partir des genoux » ou « protestant à partir des épaules » : et ses jambes, elles seraient quoi ? Cela n’a évidemment aucun sens.

Un cadrage judaïsant sur « Roulio »

D’après la version espagnole de Wikipedia, Julio Iglesias aurait affirmé être « partiellement juif » du côté de sa mère, alors même qu’on ne lui trouve aucun ascendant juif du côté maternel. Quant à la version française, elle reprend une mauvaise traduction de l’espagnol.

Qui est plus fiable, un blogueur juif francophone qui vante les contributions des Juifs à l’humanité, ou un rédacteur espagnol qui se donne la peine d’écrire une note biographique sur Julio Iglesias ?

Et quel crédit accorder aux déclarations de l’intéressé ? La pianiste Hélène Grimaud, par exemple, aurait elle-même affirmé, dans une interview accordée à un journaliste américain, être d’origine juive par ses deux parents, alors qu’il n’en est absolument rien (lire mon article à son sujet).

Le site américain Jew Or Not Jew attribue à Julio Iglesias la mention Barely a Jew, que l’on peut traduire par « à peine juif » ou « quasiment pas juif » et le score 7/15, décomposé comme suit : 2/5 pour les origines (ce qui est bien généreux, au vu des éléments dont il est fait état dans le présent article), 1/5 pour la ressemblance avec un Juif, et 4/5 pour l’envie de pouvoir le considérer comme juif.

Julio Iglesias de la Cueva est le fils de Julio Iglesias Puga et de María del Rosario de la Cueva. On remarquera qu’il a reçu le même prénom que son père, ce qui est absolument contraire aux us et coutumes des Juifs, mais surtout, que le prénom de sa mère, María del Rosario (Marie du rosaire), indique on ne peut plus clairement qu’elle était issue d’une famille fortement attachée à la tradition catholique.


Sources : Geni ; Jew Or Not Jew ; Wikipedia (es.).

samedi 22 juin 2019

Un racontar sur Mme Collard : Autard en emporte le Var

Sur Facebook, le 28 mai 2019, quelqu’un, sans doute pour expliquer l’engagement de maître Gilbert Collard en faveur d’Israël, avait cru pouvoir préciser que la femme de celui-ci était juive.

Sur quoi se fondait-il pour affirmer une chose pareille, on se le demande bien.

Anne-Marie Autard, épouse Collard, élue en 2016 conseillère régionale de la région « Languedoc Roussillon Midi Pyrénées » pour le Groupe « Front National - Rassemblement Bleu Marine », est la fille de Pierre Autard et d’Anna Marie Berenguier, tous deux marseillais.

Elle redescendait dans le Midi...

Autard n’est évidemment pas un patronyme porté par des Juifs, ce que confirme l’examen des prénoms des Autard dans les registres de mariage de la ville de Marseille (GénéProvence).

Déjà, le prénom qui apparaît en tête de liste est Jean-Baptiste, ce qui est évidemment un signe. Le reste est à l’avenant : Jean Noël, François Xavier Benoît, Joseph Marie, Françoise Baptistine, Jeanne Marie Madeleine, Marie Thérèse, etc.

Le nom de famille Berenguier n’indique pas davantage une origine juive. Il suffit, pour s’en convaincre (s’il en était vraiment besoin), de constater la très forte concentration du nombre de naissances sous ce patronyme dans le département du Var, par rapport à tout le reste de la France métropolitaine, entre 1891 et 1965 et même sur une période plus récente (filae.com).

Ajoutons, pour faire bonne mesure, qu’Anne-Marie Autard a reçu quasiment le même prénom que sa mère : à ce propos, voir mes articles précédents.

L’affirmation de notre internaute sur Facebook ne repose évidemment sur rien du tout, elle est aussi fantaisiste que gratuite. Autant en emporte le vent.


Sources : geneanet.org ; GénéProvence ; filale.com ; herault-tribune.com.

lundi 22 avril 2019

Louisa Colpeyn n’était pas une Juive de Salonique

Dans une lettre ouverte au président Macron sur le thème de la « question juive » (sic), l’écrivain malien Ismaël Diadié Haidara écrit imprudemment que la mère de son confrère français Patrick Modiano était « d’origine juive » et plus précisément, qu’elle était originaire de la communauté juive de Salonique.

Or, certains ont dit que Louisa Colpeyn, de son vrai nom Louisa Colpijn, était moitié hongroise et moitié belge.

La mère du Nord

Se seraient-ils fondés sur des sources moins fiables que l’écrivain natif de Tombouctou ? Ou sur des sources plus fiables ? Ou aussi peu fiables ?

Selon les mots de son propre fils Patrick Modiano, Louisa Colpeyn était « tout à fait flamande » (on notera que son prénom est aussi orthographié Luisa).

Outre que Colpijn n’est pas du tout un nom séfarade, ni même un nom porté par des Juifs de façon générale (et que c’est effectivement un nom flamand), je suis tenté de supposer que Patrick Modiano est le mieux placé pour savoir quelles étaient les origines de sa propre mère.

Ajoutons que, contrairement à son mari Albert Modiano, d’origine juive du côté paternel mais peut-être pas du côté maternel, l’actrice belge n’avait nullement été inquiétée en 1942 en Belgique occupée, et pas davantage à Paris où elle était allée s’installer cette même année et où elle allait faire sa connaissance.

On pourra aisément comprendre que j’envisage, au moment où ces lignes sont écrites, de traiter aussi sur ce blog, un jour où l’autre, le cas de Patrick Modiano lui-même.


Sources : Patrick Modiano, Un pedigree, Gallimard, 2005 ; Le Réseau Modiano.

vendredi 12 avril 2019

Sabine Azéma, une actrice qui domine la France

Qui donc m’avait dit un jour que Sabine Azéma était juive ? Peu importe, car le présent article trouve une autre justification, s’il en était besoin. Sur un site internet algérien conspirationniste intitulé « Ces Juifs qui dominent la France » (sic), on trouve inévitablement, parmi un certain nombre d’autres personnalités erronément étiquetées comme juives, la mention suivante : « AZEMA, Sabine. Actrice. »

Une dominante de roux

Certes, quand on connaît peu de choses sur les noms et leur origine, on peut s’imaginer qu’un patronyme comme Azéma indique des origines juives. Surtout si l’on sait que la chanteuse soprano Anne Azéma est l’épouse du musicien américain Joël Cohen.

Pourtant, un certain Jean-Baptiste Azéma a été, il y a longtemps, gouverneur de l’île de la Réunion. Il était peu vraisemblable, à cette époque, qu’un Juif puisse accéder à un tel poste, et il était encore moins vraisemblable qu’un Juif puisse se prénommer Jean-Baptiste. En outre, un de ses descendants, Jean-Henri Azéma, a été collabo pendant la Seconde Guerre mondiale.

Un nom du midi de la France

En effet, le patronyme Azéma n’est pas du tout un nom suggérant une appartenance au peuple juif.

C’est un nom de famille du midi de la France, et comme le montre bien la carte ci-contre, les naissances sous ce nom, depuis plus d’un siècle, sont très nettement localisées dans la région des Pyrénées orientales.

D’après les généalogistes, Azéma serait la forme méridionale d’un nom de baptême et patronyme dérivé des racines germaniques ade qui signifiait noble, et mar, qui signifiait célèbre. Les variantes de ce nom sont notamment Adhémar et Azémar.

La mère de Sabine Azéma s’appelait Odile Caziot, sa grand-mère maternelle s’appelait Louise Marie Josèphe du Hecquet, et son arrière-grand-mère, Rose Marie Louise Gogot.

Entre Odile, Louise Marie et Marie Louise, nous n’avons vraiment pas grand-chose de juif, et très franchement, des patronymes comme Caziot, Gogot et du Hecquet ne suggèrent pas davantage une filiation d’origine israélite.


Sources : FILAE ; Geneanet ; LaCroix.

samedi 6 avril 2019

Romy Schneider parmi les célébrités juives ?

Je ne suis pas sûr d’avoir déjà eu connaissance une seule fois dans ma vie d’une liste de personnalités juives qui n’aurait comporté aucune erreur. Ainsi, par exemple, sur un site internet qui prétend recenser des célébrités juives, Romy Schneider est présentée comme « Juive ashkénaze ». Aurait-elle joué le rôle d’une Juive dans un film ? Ou bien, serait-ce parce que le nom Schneider est quelquefois porté par des Juifs ?

Voici quelques faits qui nous permettront aisément de juger si Romy Schneider a sa place parmi les « célébrités juives », comme nous le suggère le site internet en question :

Quand Rosemarie
n’était pas encore Rosalie
1. Romy Schneider s’appelait en réalité Rosemarie Magdalena Albach.

2. Ses parents l’avaient fait baptiser.

3. Ses parents, Magda Schneider et Wolf Albach, s’étaient mariés en 1937 à Berlin.

4. Le père de Magda Schneider, donc le grand-père de Romy Schneider côté maternel, se prénommait Franz Xaverius (c’est-à-dire François-Xavier, un prénom typiquement chrétien).

5. Dans son enfance, Romy avait joué avec les enfants du nazi Martin Bormann, qui était un proche de sa mère.

6. La mère de Romy Schneider, Magda Albach, née Schneider, avait été exemptée d’impôt par le ministère nazi de la Propagande.

7. Sa grand-mère maternelle, Maria Schneider, née Meier-Hörmann, avait rencontré Hitler et fréquenté son cercle.

8. En 1938, les parents de Romy avaient emménagé à Schönau am Königssee, près de Berchtesgaden. Le Berghof, le fameux chalet d’Hitler, à quelque six cent mètres à vol d’oiseau, était visible de l’autre côté de la vallée.

9. En 1944, Romy est entrée à l’école primaire de Berchtesgaden.

10. De 1949 à 1953, elle a été pensionnaire d’une institution religieuse catholique, en Autriche.

11. Après la guerre, Magda Albach, née Schneider, la mère de Romy Schneider, a dû interrompre son activité professionnelle à cause de ses accointances passées avec le régime nazi.

12. Romy Schneider a déclaré en 1976 qu’elle pensait que sa mère avait eu une relation avec Hitler.

Il est bien connu que la belle actrice germano-autrichienne a toujours cherché à s’affranchir du passé très sulfureux de sa famille. C’est, bien entendu, ce qui explique qu’elle ait donné à ses enfants des prénoms d’origine hébraïque, David et Sarah, et qu’elle ait porté une étoile de David en pendentif. Disons que Romy Schneider aurait peut-être sa place sur une liste de « Juifs d’honneur », en admettant que cette expression ait un sens.


Sources : Wikipedia.

jeudi 4 avril 2019

Le prénom juif de David Pujadas

Des gens mal inspirés ont cru pouvoir affirmer que ce présentateur de télévision était juif. Pour quelle mauvaise raison ? À part son prénom, je ne vois pas.

David était certes un fameux roi d’Israël, mais ce prénom fait bien entendu partie du calendrier chrétien. S’il est relativement prisé chez les Juifs, il est tout aussi bien porté par des antisémites fanatiques comme David Duke ou David Irving (et pas seulement dans les milieux protestants anglo-saxons).

Les Redon nés entre 1891 et 1915

Certes, comme on a pu le voir à propos de Kad Merad, il y a chez certains déficients mentaux le présupposé selon lequel la plupart des personnalités du petit écran seraient des Juifs. Partant de là, même Harry Roselmack peut être juif. Et pourquoi pas Rockaya Diallo, aussi ?

David Pujadas est né à Barcelone d’un père espagnol, Rosendo Pujadas, et d’une mère française, Françoise Redon. Avant de devenir traducteur, son père avait arrêté l’école à 13 ans pour travailler sur les marchés. La famille s’est installée en France peu après la naissance de l’intéressé.

Le patronyme de sa mère, Redon, dérive du vieux français. Les prénoms les plus courants chez les Redon sont Jean, Marie, Pierre, Jeanne… à comparer avec les prénoms les plus courants chez les Lévi, par exemple, qui sont Joseph, Abraham, Isaac, Sara…

Le nom Pujadas n’indique pas davantage des origines juives.

Le 11 février 2016, un notable juif, Gilles Taïeb, a accusé David Pujadas d’avoir illégalement incité au boycott d’Israël par le biais de la diffusion, la veille, d’un reportage extrêmement tendancieux. Roger Cukierman, président du CRIF, a repris cette accusation dans un courrier adressé à la présidente de France Télévisions.

Ce n’était pas la première fois que David Pujadas se faisait le chantre d’une ignoble propagande contre Israël.

Au risque de me répéter : à part son prénom, je ne vois pas. Vraiment pas.


Sources : filae.com ; geneanet.org ; Wikipedia.

vendredi 8 mars 2019

Harry Roselmack, victime du racisme… contre les Juifs !

« Je me vois peu, mais je ne me vois pas noir. En tout cas, je ne me qualifie pas comme tel, en général. Je suis d’abord un homme, un fils, un frère, un mari et un père, un citoyen, un journaliste, un passionné et... oui, oui, c’est vrai, je suis noir. La République, son slogan et ses lois parviennent, la plupart du temps, à me le faire oublier. » — Harry Roselmack (www.ozap.com)

Sachant jusqu’où peut aller l’irrationalité dès qu’on parle des Juifs, on n’est même plus surpris d’apprendre que le journaliste et animateur de télévision Harry Roselmack passe pour juif aux yeux de certains crétins incultes et aigris comme il en pullule sur l’Internet. Voici ce qu’on peut lire sur Yahoo (questions/réponses) :

Un Noir qui n’est ni musulman ni juif ?

« La judaïcité de Harry Roselmack influence-t-elle sa vision de l’Islam ? » (sic)

On aurait pu imaginer un rapprochement phonétique intempestif entre Roselmack et des noms en « Rosen- » comme par exemple Rosenmann. Mais apparemment, il s’agit d’autre chose :

« Monsieur Roselmack, Juif [a]shkénaze par sa mère, fait un reportage sur l’Islam… l’objectivité d’un tel travail semble une évidence à TF1… » (re-sic)

Ainsi donc, si ce que dit ou écrit Harry Roselmack n’est pas flatteur pour l’Islam, il n’y a qu’une explication possible : c’est parce qu’il est juif !

Remarquons, au passage, ce qu’implique un propos aussi ignoble, digne d’un Bruno Gollnisch : un journaliste pourrait donc faire preuve d’objectivité s’il est catholique, protestant, musulman, noir, asiatique, communiste, anarchiste, breton, corse, homosexuel ou que sais-je… mais pas s’il est juif.

J’ignore quelle vision Harry Roselmack peut avoir de l’islam, et je m’en moque. Toujours est-il qu’il n’est évidemment pas plus juif que le prince héritier d’Arabie Saoudite ou le Premier ministre japonais.

Harry Roselmack est le fils d’un CRS et d’une employée de La Poste, tous deux martiniquais. Le nom de jeune fille de sa mère est Boungo : pas très ashkénaze, comme nom. Par ailleurs, sa femme est également d’origine martiniquaise par ses deux parents.

Pour faire l’objet de propos racistes anti-juifs, nul besoin d’être juif. On peut être français de souche et catholique (comme Geneviève de Fontenay), anglais et protestant (comme Charles Darwin), ou encore, arabe et musulman (comme Mouammar Kadhafi). On peut même être noir et d’origine antillaise par ses deux parents. Gageons que si des extraterrestres débarquaient un jour sur Terre, il se trouverait des abrutis pour affirmer qu’ils sont juifs.


Sources : lesechos.fr ; femmeactuelle.fr.

lundi 4 mars 2019

Lio, ou quand les brunes ne comptent pas pour des Juives

Comme je l’ai déjà évoqué précédemment, un camarade d’études, lui-même juif, prêtait à tort une identité juive à un certain nombre de personnalités : Georges Bizet, Gustave Eiffel, le Colonel Fabien, le baron Haussmann, Jean Jaurès… et Lio, alors connue comme chanteuse, notamment pour sa chanson sur les brunes.

Pour cette seule raison ? Ou bien, en raison de son nom (voir ci-dessous) ? Allez savoir. Je l’ai suffisamment montré, il n’y a aucune rationalité que l’on puisse espérer trouver dans le discours dès lors que la personnalité juive est attribuée, de façon fantasmatique, à telle ou telle célébrité.

C’est Lio, pas Celio !

Lio, de son vrai nom Vanda Maria Ribeiro Furtado Tavares de Vasconcelos, est née le 17 juin 1962 à Mangualde, au Portugal. Elle est la fille de Fernando Tavares de Vasconcelos, un officier issu d’une des plus grandes familles de l’aristocratie portugaise, les Vasconcelos, connue pour avoir servi au Mozambique lors des guerres coloniales salazaristes contre l’indépendance de l’empire portugais.

Sa mère était également portugaise. Elle s’appelait Helena Ribeiro Furtado, et elle était la fille de Dino Furtado et d’Otilia Ribeiro Da Cruz.

Il est relativement improbable, à notre époque, qu’une Portugaise soit juive. La seule partie de son état-civil qui suggère une origine juive est le nom Furtado. Abraham Furtado, au XVIIIe siècle, était issu d’une famille juive, mais il n’est pas sûr du tout que la plupart des Furtado actuels soient juifs, même si ce nom laisse fortement penser que certains de leurs ancêtres l’ont été. Plus généralement, rien de ce que l’on sait de Lio ne nous indique qu’elle serait juive. On peut juste supposer que certains de ses ascendants il y a deux siècles, surtout du côté du père de sa mère, étaient juifs ou marranes.

Dans une interview, Lio a déclaré qu’elle aimerait « donner deux baffes au pape à cause de sa position sur les préservatifs » (sic), ce qui laisse penser qu’elle est de confession catholique. En effet, une Juive, qu’elle soit croyante ou non, ne se soucierait pas autant de la position du pape sur ce sujet, ni sur n’importe quel sujet de manière générale.


Sources : geneanet.org ; parismatch.com ; Wikipedia.

lundi 18 février 2019

Hélène Grimaud et les « antisionistes »

Au milieu des années quatre-vingt-dix, dans une interview accordée au journaliste John Rockwell, du New York Times, Hélène Grimaud aurait déclaré que son père descendait de Juifs séfarades d’Afrique du Nord et que les ancêtres de sa mère étaient « des Juifs berbères corses ». Ses parents se seraient appelés Grimaldi et auraient francisé leur nom avant sa naissance.

Naturellement, ces fadaises n’ont pas manqué d’être reproduites ici et là, entre autres par Wikipedia qui se réfère également au site internet américain Musician’s Guide en ajoutant que la belle pianiste blonde aux yeux bleus descendrait de « Juifs algériens » du côté de son père.

Une bombe, la Grimaud !

De deux choses l’une : ou bien il a pris un jour à Hélène Grimaud la fantaisie de s’inventer une ascendance juive, sans doute pour se payer la tête du journaliste qui l’interviewait, ou bien c’est le journaliste qui a tout inventé.

Et cependant, il n’en aura pas fallu davantage pour que des fanatiques de la prétendue « cause palestinienne » se mettent à perturber ses concerts !

Dans son livre autobiographique Variations sauvages (Robert Laffont, 2003), Hélène Grimaud mentionne à deux reprises les cours de catéchisme qu’elle a suivis dans son enfance.

Son père, Claude Grimaud, est le fils de Clair Joseph Jean Grimaud et de Raymonde Cazarrelly. Clair Joseph Jean Grimaud était le fils de Jean-Baptiste Philippe Grimaud et de Joséphine Marie Jourgan. Jean-Baptiste Grimaud était lui-même le fils de Jacques Baptistin Grimaud. Quand on remonte l’arbre généalogique de la pianiste jusqu’au XVIIe siècle, côté paternel, le nom Grimaud est toujours présent, et les épouses des Grimaud portent également des noms à consonance française. Nulle trace de Grimaldi, ni de noms juifs, séfarades ou autres, et nulle trace de l’Algérie ni de l’Afrique du Nord.

La mère d’Hélène Grimaud, Josette Cirelli, née en Corse, est la fille d’Antoine Cirelli et de Pauline Bartoli, tous deux corses. La belle pianiste précise dans son livre (ibid.) que sa mère, qui est corse, vient d’un petit village de montagne, Olmo. Bartoli est aussi le nom de la mère de la chanteuse Jenifer, et les ascendants de Jenifer sont juifs du côté de son père, Michel Dadouche, mais pas de sa mère, Christine (eh, oui) Bartoli, d’origine corse. À propos de la légende des Corses qui seraient d’origine juive, voir le dernier paragraphe de mon article sur Marie-Dominique Culioli.


Sources : Hélène Grimaud, Variations sauvages (Robert Laffont, 2003) ; Genealogie Magazine ; geneanet.org ; Last Night in Orient (blog sur la musique arabe) ; New York Times ; Wikipedia.

mardi 12 février 2019

Marie d’Agoult, juive par son pseudonyme ?

Marie d’Agoult, qui écrivait sous le nom de plume de Daniel Stern, était la fille d’Alexandre Victor François de Flavigny, un noble français émigré pendant la Révolution, et de Maria Elisabeth Bethmann, laquelle était issue d’une famille de banquiers protestants.

Sur Facebook, une intervenante a affirmé – tout bêtement – que les Bethmann étaient une famille de Juifs allemands convertis au protestantisme. Cette même personne a également affirmé ce bobard avec aplomb sur son site internet consacré à Marie d’Agoult.

Bethmann, c’est juif ?
Et Daniel Stern ?

Or, une recherche sur Internet permet de constater que personne, en dehors de cette internaute, n’a jamais fait mention d’une origine juive chez les ascendants de Marie d’Agoult, née Marie Catherine Sophie de Flavigny, éduquée au couvent des Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus et mariée au comte Charles Louis Constant d’Agoult.

La mère de Marie d’Agoult, Maria Elisabeth Bethmann, d’origine allemande, était la fille de Johann-Philipp Bethmann et de Catharina Margaretha Schaaf.

Johann-Philipp Bethmann était le fils de Simon Moritz Bethmann et d’Elisabeth, née Thielen, lesquels étaient tous les deux protestants et nés de parents protestants.

Le père de Catharina Margaretha Schaaf s’appelait Anton Schaaf et sa mère s’appelait Susana Scheidt, ou von Scheidlin, selon les sources.

Dans ses écrits, Marie d’Agoult nous montre bien que ses ascendants n’étaient absolument pas juifs : « ...ma mère qui, à demi française, avait perdu à l’égard des juifs, comme à tant d’autres égards, l’âpreté des préjugés francfortois... »

Autre exemple, cette réaction de sa grand-mère maternelle Catharina Margaretha Schaaf, apprenant par son fils, l’oncle de Marie d’Agoult, que celui-ci et son épouse avaient reçu la visite d’Amschel Rothschild à l’occasion de la naissance de leur fils :

« Il n’avait pas prévu le soulèvement d’indignation qu’il provoqua. Quoi ! Ce malheureux fils de juif allait venir en sa maison, il allait entrer dans la chambre de sa belle-fille, toucher de ses mains, peut-être, le berceau chrétien de son petit-fils ! Cette pensée la mettait hors d’elle-même, et il ne fallut rien de moins que l’accord de toute la famille pour la réduire à supporter ce changement des temps et cette incroyable diminution de la fierté chrétienne dans sa propre famille ! »

Marie d’Agoult nous explique donc dans ses écrits que chez ses ascendants, et jusqu’à sa grand-mère du côté maternel, on cultivait de vilains préjugés à l’encontre des Juifs. Par ailleurs, sa fille Cosima, très antisémite, allait épouser successivement deux hommes aussi antisémites qu’elle, tout d’abord Hans von Bülow, puis Richard Wagner, et devenir par la suite la belle-mère de l’ignoble nazie Winifred Wagner.


Sources : Marie d’Agoult, Mes Souvenirs (publié sous le nom de Daniel Stern)  ; ibid.; geneanet.org ; Wikipedia, sur Marie d'Agoult et sur les Bethmann.

vendredi 8 février 2019

Dieu, Rothschild et Macron... et l’Algérie

Je n’y croyais pas, et pourtant, c’est arrivé : en décembre 2018, sur Facebook, un intervenant, lui-même juif, a déclaré en guise de commentaire, à propos de je ne sais plus quelle publication, que la mère du président Macron était « d’origine juive algérienne ». Plaisantait-il ? Dans tous les cas, il ne semblait pas se prendre trop au sérieux, car lorsque je lui ai porté la contradiction, il a salué ma réponse d’un émoticône souriant.

Emmanuel Macron a cependant été, depuis le début de sa première campagne électorale, la cible d’une foule d’antisémites : non pas parce qu’on le croyait juif, mais parce qu’avant de se lancer dans la politique, il avait occupé un emploi de cadre supérieur au sein de la banque Rothschild & Cie.

Deux bons amis des Juifs

Comme le révèlent tristement certaines manifestations de rue – ou de rond-point –, le nom de Rothschild est toujours associé aux mêmes fantasmes absurdes et nauséabonds qu’au temps de Drumont, de Willette, de Céline et de Pétain.

Pour en revenir à notre sujet, j’ai déjà fait remarquer que la notion d’origine(s) juive(s) était apparemment très élastique. Quoi qu’il en soit, on ne connaît à Emmanuel Macron aucun ascendant juif, ni du côté maternel, ni du côté paternel.

Le père d’Emmanuel Macron, Jean-Michel, est le fils d’André Macron et de Jacqueline, née Robertson, elle-même fille de George William Robertson et de Suzanne Leblond, fille d’Eugène Leblond et d’Alice Tison. Bien évidemment, aucun de ces patronymes ne suggère des « origines juives ».

La mère d’Emmanuel Macron, Françoise Noguès, est la fille de Jean Noguès et de Germaine, née Arribet, elle-même fille d’Ernest Arribet et de Marie-Madeleine, née Millet, cette dernière ayant eu pour parents Isidore Millet et Sophie, née Cha. J’ignore d’où vient ce dernier patronyme, mais il ne semble pas qu’il soit porté par des Juifs davantage qu’Arribet, Millet ou Noguès (surtout avec pas moins de 78 Jean-Baptiste recensés sur le Web). En outre, comme je l’ai déjà mentionné ailleurs, le prénom Marie-Madeleine fait clairement référence à l’iconographie chrétienne.

Rien n’indique, non plus, un lien quelconque avec l’Algérie.

Inutile de pousser plus loin les recherches.


Sources : geneanet.org ; Wikipedia.

mardi 13 novembre 2018

Dans la famille Sarkozy, Marie-Dominique Culioli...

On sait que Nicolas Sarkozy avait un grand-père juif et que Cécilia Ciganer-Albeniz avait également un grand-parent juif, son grand-père ou peut-être sa grand-mère, côté paternel. On sait que Carla Bruni a été élevée par le fils d’un Juif. On sait que Jean Sarkozy, l’un des deux fils de l’ancien président et de sa première femme, a épousé une Juive.

Décidément, autour de Nicolas Sarkozy on trouve des « origines juives » à tous les étages, et cela ne manque pas de faire fantasmer beaucoup de gens.

La première dame de... Sarkozy

Ces faits sont amplifiés et déformés à l’extrême, comme souvent dès que le mot « juif » apparaît quelque part ; si bien que certains prêtent une identité juive à la mère de Nicolas Sarkozy, voire au père de Nicolas Sarkozy et à Nicolas Sarkozy lui-même, ainsi qu’à sa deuxième épouse Cécilia – et même, à Jacques Martin – et à sa troisième épouse Carla.

Dans ce contexte, il n’est pas vraiment surprenant que l’on puisse même entendre affirmer (comme je l’ai effectivement entendu affirmer) que la première épouse de Nicolas Sarkozy, Marie-Dominique, était juive elle aussi. Jamais deux sans trois !

On peut au moins supposer que cette invention n’émane pas de ceux qui ont fait courir le bruit que Jean Sarkozy se serait converti au judaïsme pour pouvoir épouser Jessica Sebaoun.

En effet, si sa mère avait été juive, Jean Sarkozy aurait été juif lui-même. Mais il est vrai qu’il serait illusoire d’attendre que les auteurs de ce genre de commérages fassent preuve d’un esprit logique.

Quoi qu’il en soit, Marie-Dominique Culioli est née de deux parents corses et nés en Corse, Henri Jean-Baptiste Culioli et Rosine Biancarelli. Il en était de même du linguiste Antoine Culioli ainsi que d’une homonyme de Marie-Dominique Culioli, décédée en février 2018 à l’âge de 94 ans, dont on peut constater (dansnoscoeurs.fr) que toute la famille est corse et catholique.

Certes, la première femme de Sarkozy a maintenant une bru juive et des petits-enfants juifs, mais rien n’indique qu’elle pourrait être juive elle-même et tout indique le contraire.

Par ailleurs, des Juifs fantasment sur de prétendues « origines juives » d’une partie du peuple corse, et certains patronymes corses en seraient la preuve : des noms comme Giacobi, Simonetti mais également Biancarelli. Selon un article de Corse-Matin, ce ne serait qu’un mythe. Quoi qu’il en soit, les Corses qui portent ces noms ne sont pas juifs.


Sources : corsematin.com ; dansnoscoeurs.fr ; geneanet.org ; lexpress.fr.

lundi 29 octobre 2018

Eva Braun, une rumeur tirée par les cheveux

Soyons clair : je n’ai encore jamais entendu dire que la compagne d’Hitler aurait été juive, mais comme il existe une rumeur stupide selon laquelle elle aurait eu des « origines juives », je me doute qu’entre envisager d’éventuelles et douteuses « origines juives » et affirmer que la personne était juive, certains auront vite fait de franchir le pas.

J’utilise à dessein les guillemets quand j’écris « origines juives », car cette notion est bien vague et sujette à des interprétations plus ou moins fantaisistes. En l’occurrence, de quoi s’agit-il exactement ?

Il existe des Braun juifs. Par ailleurs, une des deux sœurs d’Eva Braun, Ilse, avait été la secrétaire médicale et la maîtresse d’un médecin juif, Martin Marx. Cependant, celle-ci est devenue par la suite la secrétaire du ministre nazi Albert Speer. Quant à la troisième sœur, Gretl, elle avait épousé en premières noces un officier SS. Enfin, tous les Braun ne sont pas juifs. Werner von Braun, par exemple, ne l’était évidemment pas.

Une bonne Aryenne

Plus sérieusement, en 2014, une émission de télévision britannique faisait état d’une analyse d’ADN concernant des cheveux qui « auraient été prélevés » sur une brosse gravée aux initiales d’Eva Braun et récupérée par un capitaine de l’armée américaine au Berghof, la résidence d’Hitler dans les Alpes bavaroises.

L’analyse révélait que le génome était porteur d’une séquence appelée N1B1 et « fortement associée » aux Juifs ashkénazes. Naturellement, les médias n’ont pas manqué de relater la chose avec gourmandise, quitte à reproduire bêtement une dépêche, comme ils ont l’habitude de le faire. D’un journal à un autre, non seulement on retrouve les mêmes expressions comme par exemple « fortement associée » (ce qui veut dire quoi ?), mais même les phrases sont souvent identiques. Remarquons aussi que l’analyse d’ADN en question avait été effectuée à la demande des producteurs de l’émission !

Sachant qu’en Allemagne de nombreux Juifs se sont convertis au cours du temps et ont pu épouser un conjoint non juif, notamment au XIXe siècle, beaucoup d’Allemands au type germanique peuvent avoir un ancêtre juif si l’on remonte assez loin. Cela pourrait être le cas d’Eva Braun, à supposer que les cheveux en question aient bien été les siens – ce qui est loin d’être prouvé. Et qu’est-ce que cela changerait ?

On sait que les parents d’Eva Braun étaient des catholiques convaincus et que celle-ci fut élève dans une école catholique, puis passa un an dans un couvent.

En fait, l’idée qu’Hitler aurait pu se mettre en ménage avec une « non aryenne » est déjà assez stupide. Par ailleurs, Eva Braun était forcément au courant de la « solution finale » et cela ne l’aura jamais empêchée de dormir, ni de lier son destin à celui du plus haut responsable de cette effroyable folie criminelle.

Dans le meilleur des cas, la rumeur des « origines juives » d’Eva Braun reflète un goût malsain pour les paradoxes improbables, mais elle peut tout aussi bien participer, de façon pas si innocente, d’une certaine forme de banalisation du nazisme et de la Shoah (voir mes articles concernant Hitler et d’autres nazis).


Sources : Abbott E., Une histoire des maîtresses, (Fides, Montréal, 2007, p. 306) ; genealogie.schirrhein-schirrhoffen.fr ; Jew Or Not Jew ; Spartacus, sur Ilse Braun ; Spartacus, sur Gretl Braun ; Wikipedia, sur Eva Braun.

dimanche 21 octobre 2018

S’il s’était vraiment appelé Gutenberg, aurait-il été juif ?

Qui croit que Gutenberg était juif ? Le politologue pakistanais Farrukh Saleem, par exemple, qui a dressé une liste de personnalités juives dans laquelle il s’est également fourvoyé concernant Charles Bronson ainsi que Sandra Bullock. Mais il n’est certainement pas le seul. Il y a des gens qui s’imaginent que quiconque porte un nom germanique en « -berg » est juif. Par ailleurs, il existe effectivement des Juifs qui s’appellent Gutenberg.

S’il existe des Juifs qui s’appellent Gutenberg, c’est peut-être parce qu’un de leurs ancêtres s’était choisi ce nom par admiration pour un homme célèbre, comme d’autres choisirent un jour de s’appeler Schiller ou Lessing. Ou bien, c’est peut-être parce que ce nom qui signifie la bonne montagne avait de bonnes chances d’échoir un jour à un Juif, comme une foule d’autres noms du même genre commençant par « Gut- » ou se terminant par « -berg »...

Mais si l’inventeur de l’imprimerie est entré dans l’histoire sous ce nom (autrefois francisé en Gutemberg, voire Guttemberg, de même que son prénom était francisé en Jean), en réalité il ne s’appelait pas Gutenberg.

Il s’appelait Johannes Gensfleisch zur Laden zum Gutenberg. Autant dire que son patronyme était Gensfleisch, et que Gutenberg n’était finalement qu’un surnom.

Son père s’appelait Friele Gensfleisch zur Laden ; sa mère s’appelait Else Wirich.

Gutenberg était issu d’une famille de patriciens. Son père exerçait à Mayence la fonction de maître des monnaies auprès de l’archevêque local. Il est supposé que Gutenberg avait étudié notamment la littérature et la théologie (chrétienne).

Par ailleurs, il semblerait qu’il ait été baptisé dans l’église Saint-Christophe proche de sa maison natale.

En 1465, il fut anobli par l’archevêque de Mayence, Adolphe II de Nassau.

J’ai déjà fait valoir que même si les Goldberg actuels étaient tous juifs (ce qui resterait à prouver), Johann Gottlieb Goldberg, qui vécut il y a trois siècles, ne l’était pas. De même, on admettra que, quand bien même tous les Gutenberg actuels seraient juifs, rien n’indique que Johannes Gensfleisch alias Gutenberg aurait pu l’être.


Sources : iletaitunehistoire.com, Wikipedia.

vendredi 20 juillet 2018

Alexandre Benalla vu par les « conspis »

Andy Warhol avait annoncé que désormais, chacun pourrait avoir son quart d’heure de célébrité. Au moment où ces lignes sont écrites, c’est le cas d’un certain Alexandre Benalla, à la fois barbouze, garde du corps et intime du président Macron, et ci-devant adjoint à son chef de cabinet, brusquement sorti de l’ombre pour avoir cogné quelqu’un une fois de trop.

Dans les années soixante-dix et quatre-vingt, certains policiers un peu trop portés sur la castagne aimaient à tabasser un manifestant, ou mieux encore, un jeune homme supposé l’être, surtout s’il s’agissait d’un « Arabe » (c’est-à-dire un immigré maghrébin ou un fils d’immigrés maghrébins).

Les choses ont bien changé depuis, pour le meilleur comme pour le pire. Nous avons ici, en quelque sorte, le schéma inverse : un employé du gouvernement, mais un faux policier, d’origine maghrébine, qui s’en prend à un vrai manifestant, en l’occurrence un individu de type européen. Peut-être pour d’excellentes raisons, mais ce n’est pas notre propos.

Benalla portant un brassard de la police

Sur Facebook, un individu d’extrême droite ayant souligné qu’on avait affaire une fois de plus à « un Abdoul » (sic), un autre objecta qu’avec comme prénom Alexandre, ce devait être plus probablement un membre de la LDJ (Ligue de défense juive). Un autre enchérit en désignant Benalla comme « un rabbi Jacob » (sic).

Or, nombreux sont les enfants d’immigrés maghrébins qui portent un prénom du calendrier chrétien. Ce peut être parce qu’ils sont issus d’une famille kabyle chrétienne. Ce peut être aussi parce que leurs parents, bien qu’issus de famille musulmane, n’étaient pas très croyants ou pas très pratiquants, voire athées ou agnostiques, et ont misé sur l’intégration. Ou encore, il peut s’agir de la forme usuelle occidentalisée d’un prénom musulman, par exemple Alexandre pour Ali, de la même manière qu’un Serguei d’origine russe se fera couramment appeler Serge et qu’un Mojżesz venu de Pologne se fera couramment appeler Maurice.

Physiquement, Alexandre Benalla a un type berbère, pas un type juif. Sa coiffure et sa façon de porter la barbe ne suggèrent pas non plus qu’il serait juif. Son sweat à capuche non plus, et son parcours, pas davantage. En outre, on sait qu’il est originaire du quartier de La Madeleine à Évreux, une de ces zones urbaines dites « sensibles », une ZUP, où la violence est endémique.

De plus, s’il est né quarante-quatre Benalla en France entre 1966 et 1990 (filae.com), il n’en est né aucun avant la fin des années soixante, et même, le premier y est vraisemblablement né non pas en 1966, borne inférieure de la période retenue par les statisticiens, mais plutôt dans les années soixante-dix ou quatre-vingt. Cela indique que le nom Benalla n’est pas porté par des Juifs, et même sans disposer de renseignements plus complets sur l’intéressé, il est évident qu’il est issu de l’immigration maghrébine massive qui peuple les quartiers « difficiles ».

En outre, on pourra noter que selon certains organes de presse, Alexandre Benalla aurait dû se marier le 21 juillet 2018, un samedi. Or, pour des raisons évidentes, les Juifs ne se marient pas le samedi : ni civilement, ni religieusement.

Enfin, il convient de remarquer que les antisémites conspirationnistes qui voient en Alexandre Benalla un Juif (tandis que d’autres « conspis » pas moins antisémites font courir le bruit que son vrai prénom serait Lahcen et que même son nom serait différent) sont les mêmes qui, récemment, approuvaient la condamnation à mort de Serge Atlaoui en lui prêtant, de la même manière, une identité juive, sous prétexte qu’il se prénommait Serge plutôt que Mohammed ou Abdullah.

vendredi 13 juillet 2018

Gottlieb Duttweiler, ni juif ni nazi

Un estimable lecteur m’a adressé le message suivant :

Suite à une discussion entre amis, il est apparu que [m]onsieur Gottlieb Duttweiler, fondateur de la Migros suisse et homme politique suisse de premier plan, passe à tort pour être de confession juive. La confusion proviendrait du fait que les succursales berlinoises des magasins Migros aient été violemment boycottées par les Sturmabteilungen (S.A.), au même titre que les commerces dits « juifs ». La Migros était toutefois attaquée par les nazis en sa qualité de grande entreprise étrangère, et non en raison d’une quelconque identité juive de son fondateur [...].

Ce n’est pas seulement en Allemagne que des boycotts avaient été organisés contre l’enseigne Migros, mais aussi en Suisse. Le nazisme y était pour quelque chose, mais l’hostilité de ses concurrents également.

Que croit-on que le doute vaille ?

Certains détracteurs de Migros avaient prétendu y voir « une société juive », ce qui laisse penser qu’ils tenaient pour juif son fondateur.

Sans doute celui-ci s’était-il fait d’autres ennemis encore en décidant, pour mieux contre-attaquer, de se lancer dans la politique. Il avait même fait l’objet d’une haine pathologique. Il lui était arrivé d’être désigné dans un journal suisse comme « l’ennemi public n°1 ».

Or, si certains de ses ennemis le disaient juif, d’autres en faisaient un nazi : dans la presse, on avait pu lire un jour « Heil Duttler ! », tandis que quelqu’un avait désigné Duttweiler comme « Le petit Göring de Rüschlikon » (Rüschlikon étant la ville où il s’était fait construire une villa, près de Zurich).

De façon aussi grotesque, Gottlieb Duttweiler avait été accusé par certains d’être « à la solde de Brown-Boveri » (une grande compagnie suisse d’électrotechnique).

Mais Duttweiler était finalement devenu très populaire auprès d’un large pan de la population suisse. Plus d’un demi-siècle après sa mort, « Dutti » reste une des plus grandes figures de tout le paysage helvétique du XXe siècle.

Il fut un grand innovateur dans le domaine de la grande distribution, un peu comme les fondateurs des grands magasins à Paris, dont la rumeur dit qu’ils étaient tous juifs (en réalité, la plupart ne l’étaient pas). Pour son audace et ses méthodes révolutionnaires, il pourrait aussi être comparé à d'autres visionnaires qui étaient juifs, comme Emil Jellinek ou Marcel Bleustein-Blanchet.

De quoi le petit Duttweiler avait l’air ?

Et comment ne pas mentionner l’éthique remarquable de Duttweiler, qui avait interdit la vente d’alcool et de tabac dans les points de vente Migros et s’était efforcé de promouvoir l’écologie, le recyclage et le commerce équitable dès la fin des années trente !

Est-il vraiment nécessaire de rappeler que porter un nom à consonance germanique est tout ce qu’il y a de plus banal en Suisse alémanique, et même dans le reste du pays, et que cela ne permet nullement de préjuger de la religion de l’intéressé ?

Il me semble que jamais, sauf peut-être le jour de la fête de Pourim (et encore...), des Juifs n’auraient habillé leur petit garçon comme sur la photo ci-contre.

Surtout, outre que Gottlieb Duttweiler portait le même prénom que son père et que rien n’indique que son père ni sa mère auraient pu être juifs, ses obsèques, à Zurich en 1962, ont eu lieu à l’église... et même, plus fort encore, elles ont été organisées simultanément dans quatre églises différentes.


Sources : Dictionnaire historique de la Suisse, Testatelier, Migros Magazine (du 4 juin 2012), Migros Magazine (du 11 mars 2013), WOZ.

jeudi 28 juin 2018

L’antisémite Corbyn et son « élément juif »

Le 20 février 2018, dans une discussion sur Facebook à propos d’un Juif exclu du parti travailliste britannique en raison de son antisémitisme, un participant avait prêté par la même occasion une identité juive au très pro-palestinien chef du parti travailliste au Royaume-Uni, Jeremy Corbyn.

Il est vrai que des antisémites conspirationnistes voient également en Corbyn un Juif. On peut remarquer que « Jew » et « Jewish » font partie des mots associés à son nom dans le champ de recherche de Google.

Jeremy Corbyn dans son élément

Serait-ce à cause de son prénom ?

Connu pour son militantisme pro-palestinien effréné, Corbyn a soutenu une campagne visant à faire annuler la condamnation de deux terroristes reconnus coupables d’un attentat à la bombe contre l’ambassade d’Israël à Londres en 1994.

Or, ces condamnations ont été confirmées par la Haute Cour de justice en 2001 puis par la Cour européenne des droits de l’homme en 2007 (Daily Telegraph et Jewish Chronicle, septembre 2015).

On ne s’étonnera donc pas qu’il ait été plusieurs fois accusé d’antisémitisme.

Le site The Jewish Chronicle rapporte des extraits d’une interview au Church Times, dans laquelle Corbyn racontait que sa mère, Naomi Loveday, était agnostique mais lisait la Bible. Elle avait grandi « dans un milieu religieux », son frère était pasteur, et il y avait « beaucoup d’ecclésiastiques dans sa famille ».

Son père, David Benjamin Corbyn, était chrétien et allait à l’église. David, Benjamin, Naomi et Jeremy sont certes des prénoms hébraïques, mais comme je l’ai déjà rappelé, notamment à propos d’Isaac Newton, les prénoms tirés de la Bible juive sont monnaie courante chez les protestants anglo-saxons. David Benjamin Corbyn n’était pas plus juif que David Duke ou Benjamin Franklin, Naomi Loveday n’était pas plus juive que Naomi Campbell, et Jeremy Corbyn n’est pas plus juif que ne l’était Jeremy Bentham.

Dans l’interview en question, Corbyn ajoutait : « Si [l’]on remonte beaucoup plus loin, il y a un élément juif dans la famille, probablement d’Allemagne. »

Si l’on remonte très loin, beaucoup de chrétiens (et de musulmans) ont un « élément juif » dans leur généalogie. Et après ? Qu’est-ce que cela change ?

Les antisémites ont toujours des amis juifs, c’est bien connu. Mais de plus en plus souvent, comme la mode n’est plus aux revendications racialistes, bien au contraire, ils affirment aussi avoir des Juifs parmi leurs ascendants.


Sources : Jewish Chronicle, Wikipedia.

vendredi 22 juin 2018

Juif, Roger Auque ? Oh, que non !

« Je suis une sorte de bobo, anarchiste de droite. [...] favorable aux 35 heures, parce que dans ma jeunesse j’ai bossé en usine sur une fraiseuse. Pour [...] la défense de la République et des valeurs chrétiennes. » — Roger Auque (lemonde.fr, 4 mars 2008)

Dans ses mémoires posthumes commencés quelques mois avant sa mort, Au service secret de la République (Fayard, 2015), Roger Auque déclare : « J’ai été rémunéré par les services secrets israéliens pour effectuer des opérations en Syrie, sous couvert de reportage. » Je ne crois pas devoir chercher ailleurs la raison pour laquelle un bruit court que ce journaliste était juif. Comme si les services secrets ne rémunéraient jamais des étrangers...

Plus d’un État de service...

Or, il avait également offert ses services à la DGSE, la centrale française d’espionnage et de contre-espionnage.

Fils d’un assureur de Roubaix qui était gaulliste de gauche et ancien d’Indochine, Roger Auque avait choisi, dans le cadre de ses études, d’apprendre l’arabe.

Dans les années quatre-vingt, il était correspondant de guerre au Liban : « Je me suis retrouvé à combattre du côté chrétien, avec une myriade de jeunes de mon âge, dit-il, des Libanais mais aussi des Américains et des Français un peu fascisants qui combattaient les musulmans progressistes. » On imagine mal un Juif dans ce milieu.

En 1987, enlevé par le Hezbollah, il avait été retenu en otage pendant près d’un an. Son sort aurait sans doute été pire s’il avait été juif, mais heureusement pour lui, il n’était pas plus juif que ses collègues Jean-Louis Normandin et Jean-Paul Kauffmann.

De 2003 à 2007, Roger Auque avait été correspondant permanent à Bagdad, puis à Beyrouth, après quoi il était devenu rédacteur en chef sur la chaîne de télévision franco-marocaine Medi 1 Sat, à Tanger. Là encore, on imagine mal un Juif dans ce milieu.

En décembre 2009, il était nommé ambassadeur de France en Érythrée. Là encore...

En 2013, le magazine L’Express révélait que Roger Auque était le père biologique de Marion Maréchal-Le Pen, ce que celui-ci a lui-même confirmé dans ses mémoires posthumes. Imagine-t-on un Juif avoir une relation intime avec une des filles de Jean-Marie Le Pen ?

Laissons à l’intéressé le mot de la fin : « Je n’étais pas baptisé et ma famille était plutôt anticléricale. Mais je suis devenu croyant et profondément chrétien. »


Sources : Roger Auque et J.-M. Verne, Au service secret de la République (Fayard, 2015), lefigaro.fr, lemonde.fr, linternaute.com, Wikipedia.