mardi 23 avril 2013

Eichmann, Rosenberg et les autres

Dans la logique déficiente de certains imbéciles, il y a des Juifs riches donc les Juifs sont riches, et si les Juifs sont riches, alors les riches sont juifs. De même, sachant que beaucoup de Juifs ont un nom à consonance germanique, les gens qui ont un nom à consonance germanique sont juifs.

À plus forte raison, si je puis dire, sachant qu’en France un Rosenberg a de fortes chances d’être juif, les mêmes, entendant parler d’un nazi allemand qui portait ce nom, en déduisent qu’il était juif.

Rosenberg par-ci...
Rosenberg par-là...

Je l’ai déjà écrit précédemment, Rosenberg est d’abord un toponyme et un patronyme allemand. Les Orsini-Rosenberg, par exemple (une famille noble autrichienne), n’ont jamais été juifs.

Dans La Quenouille de Barberine, Musset met en scène un chevalier nommé Rosemberg, qui n’est pas plus juif que le Rosencrantz de Hamlet.

L’idéologue nazi Alfred Rosenberg était issu d’une famille germano-balte. À l’âge de 25 ans, ce futur fondateur d’un « Institut de recherche sur la question juive » était déjà un adepte fervent des théories raciales et un antisémite fanatique. Il disait que les Juifs lui avaient volé son nom.

Quant au non moins sinistre Eichmann, c’est le seul nom qu’un crétin affirmant que plusieurs dignitaires nazis étaient juifs avait été capable de me citer. C’était probablement à cause de la terminaison en « -mann ».

Je me contenterai de faire remarquer qu’Eichmann se prénommait Karl Adolf tandis que son père avait pour prénoms Adolf Karl. À propos des fils qui ont le même prénom que leur père, voir mes articles précédents.

Autre exemple, Heydrich, à propos de qui Hannah Arendt a eu le mauvais goût de colporter ce ragot sans fondement (Olivier Ypsilantis). Il semblerait que l’organisateur de la conférence de Wannsee ait lui-même été hanté par l’idée d’avoir des origines juives, mais on sait qu’il était né d’un père protestant et d’une mère catholique et il est inutile d’aller chercher plus loin.

Supposer que des dirigeants nazis responsables de l’extermination des Juifs auraient été juifs eux-mêmes, ce n’est pas seulement stupide, c’est infâme. C’est en réalité, selon les termes d’Édouard Husson, un symptôme de la mauvaise conscience européenne vis-à-vis de ce crime gigantesque. C’est ce qui permet de s’en laver les mains, de se dire : « ce sont des Juifs qui ont fait cela à d’autres Juifs, donc je ne suis pas concerné. »

jeudi 4 avril 2013

Terzieff, pas plus juif que Tazieff, Taguieff ou Tambyeff

La pièce « Temps contre temps » de Ronald Harwood mettait en scène une famille juive d’Afrique du Sud. À un moment, l’oncle Zadok assimile les dirigeants du régime de l’Apartheid à des nazis, et la réplique de son neveu, le personnage principal, incarné par Laurent Terzieff, déclenche des rires dans la salle : « Enfin, cette fois-ci, ce n’est pas à nous qu’ils s’en prennent : ça change un peu. »

Tombe des Terzieff
Est-ce qu’une fois de plus, il aura suffi qu’un comédien interprète un personnage juif pour que certains en déduisent qu’il l’est ?

Ou bien, suffisait-il qu’il ait un nom russe ?

Laurent Terzieff avait évoqué ses origines dans une interview accordée à L’Express en 2009 :

« Mon père, qui était russe, avait émigré lors de la Première Guerre mondiale. [...] Ma mère, elle, était de la région de Toulouse, où je suis né. »

Et plus loin, à propos de la Seconde Guerre mondiale :

« [...] Les gens m’amusent quand ils disent qu’ils ne pouvaient pas savoir. De la fenêtre de mon appartement, une nuit, j’ai vu emmener des Juifs. Mes parents nous avaient raconté qu’on séparait les adultes des enfants. Je faisais des cauchemars des nuits entières. En même temps, on voyait les Allemands à l’exercice, ou revenant du bain de la rue Blomet. [...] »

La tombe de la famille Terzieff s’orne d’une croix, et elle a été abondamment fleurie après les obsèques du comédien (dans le caveau de ses parents). Je le répète pour les incultes : sur les sépultures des Juifs, il n’y a pas de croix, et l’on n’y dépose généralement pas de fleurs.