lundi 29 octobre 2018

Eva Braun, une rumeur tirée par les cheveux

Soyons clair : je n’ai encore jamais entendu dire que la compagne d’Hitler aurait été juive, mais comme il existe une rumeur stupide selon laquelle elle aurait eu des « origines juives », je me doute qu’entre envisager d’éventuelles et douteuses « origines juives » et affirmer que la personne était juive, certains auront vite fait de franchir le pas.

J’utilise à dessein les guillemets quand j’écris « origines juives », car cette notion est bien vague et sujette à des interprétations plus ou moins fantaisistes. En l’occurrence, de quoi s’agit-il exactement ?

Il existe des Braun juifs. Par ailleurs, une des deux sœurs d’Eva Braun, Ilse, avait été la secrétaire médicale et la maîtresse d’un médecin juif, Martin Marx. Cependant, celle-ci est devenue par la suite la secrétaire du ministre nazi Albert Speer. Quant à la troisième sœur, Gretl, elle avait épousé en premières noces un officier SS. Enfin, tous les Braun ne sont pas juifs. Werner von Braun, par exemple, ne l’était évidemment pas.

Une bonne Aryenne

Plus sérieusement, en 2014, une émission de télévision britannique faisait état d’une analyse d’ADN concernant des cheveux qui « auraient été prélevés » sur une brosse gravée aux initiales d’Eva Braun et récupérée par un capitaine de l’armée américaine au Berghof, la résidence d’Hitler dans les Alpes bavaroises.

L’analyse révélait que le génome était porteur d’une séquence appelée N1B1 et « fortement associée » aux Juifs ashkénazes. Naturellement, les médias n’ont pas manqué de relater la chose avec gourmandise, quitte à reproduire bêtement une dépêche, comme ils ont l’habitude de le faire. D’un journal à un autre, non seulement on retrouve les mêmes expressions comme par exemple « fortement associée » (ce qui veut dire quoi ?), mais même les phrases sont souvent identiques. Remarquons aussi que l’analyse d’ADN en question avait été effectuée à la demande des producteurs de l’émission !

Sachant qu’en Allemagne de nombreux Juifs se sont convertis au cours du temps et ont pu épouser un conjoint non juif, notamment au XIXe siècle, beaucoup d’Allemands au type germanique peuvent avoir un ancêtre juif si l’on remonte assez loin. Cela pourrait être le cas d’Eva Braun, à supposer que les cheveux en question aient bien été les siens – ce qui est loin d’être prouvé. Et qu’est-ce que cela changerait ?

On sait que les parents d’Eva Braun étaient des catholiques convaincus et que celle-ci fut élève dans une école catholique, puis passa un an dans un couvent.

En fait, l’idée qu’Hitler aurait pu se mettre en ménage avec une « non aryenne » est déjà assez stupide. Par ailleurs, Eva Braun était forcément au courant de la « solution finale » et cela ne l’aura jamais empêchée de dormir, ni de lier son destin à celui du plus haut responsable de cette effroyable folie criminelle.

Dans le meilleur des cas, la rumeur des « origines juives » d’Eva Braun reflète un goût malsain pour les paradoxes improbables, mais elle peut tout aussi bien participer, de façon pas si innocente, d’une certaine forme de banalisation du nazisme et de la Shoah (voir mes articles concernant Hitler et d’autres nazis).


Sources : Abbott E., Une histoire des maîtresses, (Fides, Montréal, 2007, p. 306) ; genealogie.schirrhein-schirrhoffen.fr ; Jew Or Not Jew ; Spartacus, sur Ilse Braun ; Spartacus, sur Gretl Braun ; Wikipedia, sur Eva Braun.

dimanche 21 octobre 2018

S’il s’était vraiment appelé Gutenberg, aurait-il été juif ?

Qui croit que Gutenberg était juif ? Le politologue pakistanais Farrukh Saleem, par exemple, qui a dressé une liste de personnalités juives dans laquelle il s’est également fourvoyé concernant Charles Bronson ainsi que Sandra Bullock. Mais il n’est certainement pas le seul. Il y a des gens qui s’imaginent que quiconque porte un nom germanique en « -berg » est juif. Par ailleurs, il existe effectivement des Juifs qui s’appellent Gutenberg.

S’il existe des Juifs qui s’appellent Gutenberg, c’est peut-être parce qu’un de leurs ancêtres s’était choisi ce nom par admiration pour un homme célèbre, comme d’autres choisirent un jour de s’appeler Schiller ou Lessing. Ou bien, c’est peut-être parce que ce nom qui signifie la bonne montagne avait de bonnes chances d’échoir un jour à un Juif, comme une foule d’autres noms du même genre commençant par « Gut- » ou se terminant par « -berg »...

Mais si l’inventeur de l’imprimerie est entré dans l’histoire sous ce nom (autrefois francisé en Gutemberg, voire Guttemberg, de même que son prénom était francisé en Jean), en réalité il ne s’appelait pas Gutenberg.

Il s’appelait Johannes Gensfleisch zur Laden zum Gutenberg. Autant dire que son patronyme était Gensfleisch, et que Gutenberg n’était finalement qu’un surnom.

Son père s’appelait Friele Gensfleisch zur Laden ; sa mère s’appelait Else Wirich.

Gutenberg était issu d’une famille de patriciens. Son père exerçait à Mayence la fonction de maître des monnaies auprès de l’archevêque local. Il est supposé que Gutenberg avait étudié notamment la littérature et la théologie (chrétienne).

Par ailleurs, il semblerait qu’il ait été baptisé dans l’église Saint-Christophe proche de sa maison natale.

En 1465, il fut anobli par l’archevêque de Mayence, Adolphe II de Nassau.

J’ai déjà fait valoir que même si les Goldberg actuels étaient tous juifs (ce qui resterait à prouver), Johann Gottlieb Goldberg, qui vécut il y a trois siècles, ne l’était pas. De même, on admettra que, quand bien même tous les Gutenberg actuels seraient juifs, rien n’indique que Johannes Gensfleisch alias Gutenberg aurait pu l’être.


Sources : iletaitunehistoire.com, Wikipedia.