vendredi 18 octobre 2019

Il ne m’aurait pas plu que Morandini soit juif

En 2009, le notable juif et chroniqueur Jean Corcos citait Jean-Marc Morandini parmi les personnalités qu’un certain nombre de visiteurs de son blog considèrent comme juives ou susceptibles de l’être. Parmi les autres personnalités concernées, il y avait Thierry Ardisson, Rachida Dati, François Hollande et Patrick Sabatier.

En 2012, sur le site internet (The) Huffington Post, le journaliste Guillaume Erner retenait l’exemple de Jean-Marc Morandini pour caractériser ce phénomène, et concluait : « En cherchant à savoir qui est juif, ces internautes ne se renseignent pas sur Jean-Marc Morandini, ils nous renseignent sur eux-mêmes. »

Francesco Morandini,
Crucifixion, 1580

Ceci explique que je me sois renseigné sur Jean-Marc Morandini. Jusqu’ici, je ne m’étais jamais intéressé ni à ce monsieur ni à ses émissions, et je ne crois pas devoir m’y intéresser davantage dans l’avenir.

La seule fois où je me rappelle lui avoir accordé par inadvertance quelques instants d’attention, c’était au moment où il déclarait, sur son plateau, que « l’islam est une grande religion » (il faut croire que cela ne va pas de soi) et que « la charia n’en fait pas partie » (elle doit faire partie d’une autre religion qui n’a rien à voir avec l’islam).

Par ailleurs, il semble que cet éminent spécialiste des religions soit extrêmement secret concernant sa vie privée.

On sait tout de même que Morandini est un patronyme italien et corse, et que l’intéressé est effectivement né d’un père corse et d’une mère sarde. Rien ne laisse penser qu’ils serait plus juif que Thierry Ardisson, Rachida Dati, François Hollande ou Patrick Sabatier.


Sources : Closer ; blog de Jean Corcos ; Huffington Post ; Wikipedia, sur Jean-Marc Morandini et sur le patronyme Morandini.

mardi 15 octobre 2019

Pour Ève Ruggieri, vous saviez ?

Au cours d’un dîner, Myriam Revault d’Allones a relaté une scène qu’elle avait vécue récemment, digne des meilleurs films comiques. Dans la synagogue de la rue de la Victoire, à Paris, lors de la célébration du Nouvel An juif (en automne 2019), elle avait été assaillie par tout un groupe de femmes qui l’avaient prise pour Ève Ruggieri :

« Ève Ruggieri ! C’est Ève Ruggieri ! »

Ève Ruggieri, ou
Myriam Revault d’Allones ?

Certaines avaient peut-être déjà vu Myriam Revault d’Allones (Revault d’Allones est son nom marital) sur le petit écran et avaient gardé la mémoire de son visage, ce qui aura probablement contribué à la méprise.

Or, la philosophe et politologue avait beau protester (« Mais je ne suis pas Ève Ruggieri ! »), personne ne voulait l’entendre, et les admiratrices continuaient de plus belle : « Madame Ruggieri ! »… « Je ne savais pas que vous étiez juive ! » Etc.

Myriam Revault d'Allones,
ou Ève Ruggieri ?

Cernée de toutes parts, ou presque, elle n’avait pas eu d’autre possibilité, pour échapper au tumulte et retrouver un peu de tranquillité, que de prendre la fuite !

À coup sûr, le soir même et dans les jours qui ont suivi, on a pu entendre dans certaines familles des propos de ce genre : « Vous saviez qu’Ève Ruggieri était juive ? Si, si ! Je l’ai vue à la synagogue, et il y avait un tas d’admiratrices autour d’elle ! »

Ève Marie France Augustin-Henrot, épouse Ruggieri, est née à Limoges. Son père, Jean Augustin, était le fils de Jean Georges Fernand Augustin et de Maria-Stéphanie Héritier. Sa mère, Marie-Paule Boussely, fille de Firmin Boussely et de Marguerite Chabassier, n’avait pas tardé à se remarier avec un certain Lucien Henrot, qui est devenu son père adoptif. La célèbre présentatrice porte le nom de son premier mari, François Ruggieri.


Sources : Myriam Revault d’Allones (conversation en ma présence) ; geneanet.org ; Wikipedia.

jeudi 5 septembre 2019

Yann Moix n’est pas le Juif du mois

Depuis le temps que je me sens juif, il serait temps que je le devienne. – Yann Moix, interviewé par Tribune juive en 2007.

C’est une fois de plus sur Facebook que j’ai pu lire une affirmation, de la part d’une internaute juive elle-même, selon laquelle Yann Moix, sans être juif par sa naissance, le serait devenu.

La réalité est que Yann Moix déclare lui-même vouloir devenir juif, mais qu’à ce jour, il est loin d’avoir réalisé ce vœu. Il affirme également que sa famille descend des marranes, mais c’est le cas de nombreux Français et de nombreux Espagnols qui ne sont pas juifs pour autant.

Le Moix à venir ?

Le site internet intitulé « Juifs célèbres », auquel j’ai déjà fait référence, fait évidemment grand cas de Yann Moix, et l’administrateur cite une petite partie des excentricités verbales du personnage sur ce sujet, puisées dans Tribune juive.

En fait, il reproduit des déclarations qui peuvent laisser penser que Moix est juif, mais s’abstient soigneusement de citer le reste, notamment celles qui montrent qu’il ne l’est pas. Comblons donc cette lacune :

Je suis en train de devenir juif. Tranquillement, sincèrement : à mon rythme.

[...] Je ne sais pas si je me sens juif, ou si je sens que je le suis.

[...] Je me connais : je n’aurais pas supporté d’être juif en naissant. Je n’aurais pas supporté qu’on me demande d’être ce que je préfère en réalité devenir. Alors je suis en train de devenir ce que d’autres ont toujours été. Certains sont totalement juifs le jour où ils naissent, peut-être que je serai totalement juif le jour où je mourrai. J’ai tout mon temps.


Je ne souhaite pas prendre part aux polémiques qui ont cours sur le personnage à l’heure ou ces lignes sont écrites. Je crois savoir que Yann Moix a déjà beaucoup lu et étudié (mais sans doute pas assez, à en juger par ce qu’il révèle encore de sa mentalité), et participé à des repas et à des cérémonies. Il demeure qu’à ce jour, il n’a pas accompli ce que signifie devenir juif pour quiconque n’est pas né juif : une conversion en bonne et due forme, validée par une autorité rabbinique.

Tout le reste n’est que bavardage.


Sources : Tribune juive.

vendredi 9 août 2019

Hardies sont ces allégations sur Ardisson !

Une fois de plus, c’est sur Facebook que j’ai pu lire, à croire une internaute, juive elle-même, que Thierry Ardisson serait juif. J’ai lu ensuite qu’il aurait évoqué des origines juives algériennes. Naturellement, cette rumeur est aussi propagée par les sites antisémites que l’on sait.

Le notable juif et chroniqueur Jean Corcos dénonce dans la presse juive et sur son blog le conspirationnisme antisémite :

Il aura suffi d’un mot...

[T]ous les jours, je note entre 15 et 20 % (parfois beaucoup plus quand ces noms reviennent en « tête de gondole » de l’actualité) de recherches associant le mot « juif » à :
- François Hollande ;
- Patrick Sabatier ;
- Thierry Ardisson ;
- Jean-Marc Morandini ;
- et deux personnalités d’origine musulmane, Roschdy Zem et Rachida Dati ! […]


Jean Corcos précise, à propos de Thierry Ardisson :

[…] les innombrables visiteurs s’interrogeant sur son imaginaire judaïté viennent en raison d’un article vieux déjà de trois ans, et où le mot « juif » était joint à son patronyme.

Passons sur le fait qu’Ardisson ait invité un jour Dieudonné sur son plateau pour présenter son spectacle antisémite, ainsi que Thierry Meyssan pour promouvoir son livre négationniste. Passons également sur le fait que ses épouses successives, Béatrice Loustalan et Audrey Crespo-Mara, ne sont pas juives et que sa première épouse se prénommait Christiane. Passons aussi sur ses convictions royalistes.

Plus important pour ce qui nous occupe : « Issu d'une vieille famille du Comté de Nice, mais né dans la Creuse, le 6 janvier 1949, Thierry, Pierre, Clément Ardisson est le fils de Victor Ardisson, ingénieur catholique, et de Juliette, Renée, Ardisson, née Gastinel […] » (Night Life)

Bien entendu, Gastinel, comme nom de famille, n’est pas plus juif qu’Ardisson.


Sources : Night Life ; rencontrejudaïquesfm (blog de Jean Corcos) ; Wikipedia.

mercredi 7 août 2019

Jacques Tajan et les peintres juifs

Comme je l’ai mentionné dans mon article précédent, des gens s’étaient imaginé, sans doute en raison des ventes d’œuvres d’artistes juifs de l’École de Paris, que les trois associés de l’étude de commissaires-priseurs Ader, Picard & Tajan, à savoir Étienne Ader, Jean-Louis Picard et Jacques Tajan, étaient juifs.

Un jour, dans un restaurant juif de la rue des Rosiers, je m’étais retrouvé attablé avec trois jeunes hommes que je ne connaissais pas, et l’un d’entre eux s’était présenté comme étant le petit-neveu d’Étienne Ader, ou peut-être, le neveu de son fils Rémi Ader (ibid.). C’était au début des années quatre-vingt-dix.
La France des Tajan



Le paradoxe de cette situation est que, comme ce jeune homme me l’avait précisé, les Ader n’étaient pas juifs… et Jacques Tajan non plus.

Qu’en était-il de Jean-Louis Picard ? Ma mémoire n’a pas tout retenu, mais même s’il existe des Juifs qui s’appellent Picard, il est certain qu’une grande majorité des Français qui portent ce nom ne sont pas juifs et ne l’ont jamais été.

Par ailleurs, en raison d’incompatibilités entre les trois associés, la société allait être dissoute très peu de temps plus tard. Jean-Louis Picard, Jacques Tajan et Rémi Ader, héritier de son père Étienne Ader, allaient dès lors poursuivre leurs activités chacun de son côté.

Pour en revenir à Jacques Tajan, dont il est question ici, son nom, bien que se terminant comme Darbarjan, Karajan et Sabouridjan (qui ne sont pas des noms juifs), n’est pas d’origine étrangère. C’est un nom apparenté à Tajean ou bien à Taillant, et c’est le nom d’une commune de France, dans les Hautes-Pyrénées.

Dans tous les cas, c’est de cet endroit, les Hautes-Pyrénées, que les Tajan sont originaires, et non pas de l’Est du bassin méditerranéen, ni d’Iran, ni d’Arménie... ni de je ne sais où encore.


Sources : ader-paris.fr (Ader, Nordmann & Dominique) ; filae.com ; Geneanet (sur le patronyme Tajan) ; Geneanet (sur les prénoms des Tajan) ; geopatronyme.com ; Google Map (commune de Tajan) ; Wikipedia (sur Ader-Nordmann) ; Wikipedia (sur Jacques Tajan).

lundi 5 août 2019

Même si l’on trouve Adler chez Ader...

C’est dans le contexte de l’organisation d’une vente de tableaux de l’École de Paris que j’avais entendu parler, pour la première fois, du trio de commissaires-priseurs Ader, Picard et Tajan.

Sachant que le nom Picard est quelquefois porté par des Juifs et sachant que cette société de ventes aux enchères s’est occupée, entre autres, de vendre des toiles de peintres juifs, on a vite fait de fantasmer sur les trois noms qui précèdent... et sans doute plus particulièrement sur le nom Ader. C’est ainsi qu’on m’avait dit un jour que les Ader étaient des Juifs (voir aussi mon article sur Clément Ader). Paradoxalement, c’est dans un restaurant juif de la rue des Rosiers qu’un petit-neveu d’Étienne Ader, dont il portait également le patronyme, m’avait détrompé.

Un tableau de Karol Adler
mis en vente par Ader...

Étienne Jean Yves Marie Ader était le fils de Jean Ader et d’Alice Guérin. Outre que Guérin n’est pas un nom porté par des Juifs et que le deuxième prénom de l’intéressé était celui de son père, le prénom Marie, comme je l’ai déjà expliqué à propos d’Alain Juppé, ne peut pas figurer dans l’état-civil d’un Juif : à la fois parce que c’est un prénom féminin, et parce que ce prénom fait évidemment référence à la mère de Jésus-Christ.

Durant la Seconde Guerre mondiale, selon un article de Jean Dutour paru dans le quotidien Action en 1945, « Maître Étienne Ader avait fait de l’Hôtel Drouot un véritable salon franco-nazi » :

[…] Les nouveautés sont à trouver dans le chapitre sur l’Hôtel Drouot dont l’accès est interdit aux Juifs en 1941. Les noms des commissaires-priseurs Étienne Ader, Alphonse Bellier et Henri Baudoin et des experts André Schoeller et Martin Fabiani reviennent souvent, même dans les cas de ventes sur ordonnance de « biens israélites » comme ceux d’Alphonse Kann, Elie Fabius, Jos. Hessel et du stock de la galerie Bernheim-Jeune. […] (Guy Boyer)

À la fin des années soixante-dix, Étienne Ader cédait sa charge à son fils Rémi Ader, lequel n’était pas plus juif que son père mais allait être rejoint par maître David Nordmann en 2004, avant de céder ses parts à maître Xavier Dominique. Aujourd’hui ce n’est plus Ader, Picard & Tajan mais Ader, Nordmann & Dominique.


Sources : ader-paris.fr (Ader, Nordmann & Dominique) ; Connaissance des arts ; geneanet.org ; Marcel & Simone.

lundi 15 juillet 2019

Isabelle Adjani, l’Algérie et les Juifs

Je suis une mère absolue, une mère juive, une mère infernale, mais je fais tous les efforts pour me mettre en retrait quand il le faut. — Isabelle Adjani, Purepeople.

Le bobard selon lequel Isabelle Adjani serait juive est bien évidemment colporté par des « conspis » de la toile, des détraqués primaires qui cherchent à se convaincre et à convaincre quiconque les écoute que les Juifs sont un peuple malfaisant qui infiltre tous les milieux en vue de dominer le monde.

Le keffieh : Isabelle l’a déjà mis

Pourtant, la célèbre actrice — dont on voit mal où serait le côté malfaisant — avait déclaré un jour qu’il lui était probablement arrivé de refuser d’interpréter le rôle d’une Juive au cinéma par une sorte de « solidarité aveugle » avec son père. Celui-ci, un Français originaire de Constantine, en Algérie, s’appelait Mohammed Chérif Adjani et le grand-père d’Isabelle Adjani s’appelait Saïd Hadjami (donc, Hadjami est devenu Adjani).

La mère d’Isabelle Adjani s’appelait Augusta Emma Schweinberger. À propos des noms en « -berger », voir mon article sur Dominique Bromberger.

« Ma mère était bavaroise. Elle se sentait très mal dans un pays où elle était arrivée sans parler un mot de français et ne supportait pas que son mari soit algérien. Elle disait qu’il était d’origine turque et je le croyais. Entre mes parents, il y avait un racisme conjugal. Ma mère traitait mon père de « Crouille », et lui, répondait : « Sale Boche ! » Il s’appelait Mohammed, mais ma mère l’avait obligé à changer de prénom. Sur notre boîte aux lettres, il y avait : « Chérif Adjani ». Ma mère trouvait que ça faisait américain. » (interview pour le Nouvel Observateur, 1985)

« Ma mère [...] était allemande et a été emmenée, presque enlevée, quand elle avait vingt-cinq ans, par mon père qui était algérien et qui en avait dix-huit. [...] Il l’a convaincue de le suivre, s’est fait menaçant pour arriver à ses fins... Elle était une otage, une otage qui n’a pas pu pardonner à son ravisseur [...] » (dans les Inrocks, citée par Closer).

Isabelle Adjani porte sur elle l’empreinte de cette mésentente fondamentale, explique France-Dimanche, puisque son prénom, Isabelle, témoigne d’un combat que son père avait perdu : « Il aurait voulu m’appeler Yasmine, mais elle a refusé. Et il a obéi ».


Sources : Algérie 7 ; Closer ; Gala ; France-Dimanche ; Wikipedia.