mercredi 1 mars 2017

Assez loin des Lévi, Johann Strauss

Il aura suffi que le grand-père de Johann Strauss (premier du nom) soit juif pour que certains fassent cas des origines juives du compositeur de la Marche de Radetzsky, surnommé le Roi de la valse, et de son fils, Johann Strauss II, auteur du Beau Danube bleu et autres valses viennoises.

Immanquablement, l’information aura été amplifiée et déformée, si bien qu’on entend dire aujourd’hui que le fondateur de la dynastie était lui-même juif.

Johann Strauss I

Claude Lévi-Strauss, pourtant pas particulièrement porté sur la fidélité à ses racines, revendiquait un lien de parenté avec cette famille de musiciens, du côté de son arrière-grand-père Isaac Strauss.

Le nom Strauss est porté par des Juifs comme par des non-juifs. C’est un patronyme germanique très répandu.

L’inventeur du blue-jean, un monsieur Strauss dont le prénom était Lévi, était juif. Le philosophe Leo Strauss était juif lui aussi.

En revanche, l’homme politique allemand Franz-Josef Strauss n’était absolument pas juif, pas plus que le compositeur Richard Strauss qui, sous Hitler, avait été nommé à la tête du Reichsmusikkammer (mais dont le degré de compromission avec le nazisme semble très controversé).

Quant à Johann Strauss premier du nom, fondateur de la fameuse dynastie de musiciens viennois, il était le petit-fils d’un Juif converti. Un seul de ses grands-parents était juif de naissance, en l’occurrence, son grand-père paternel.

Dans la dynastie Strauss, nous avons ensuite son fils, Johann Strauss II, dont on peut supposer que sept arrière-grands-parents sur huit n’étaient pas juifs. Il y a eu aussi un Johann Strauss III, qui n’était pas le fils de Johann Strauss II mais d’Eduard Strauss II, ce dernier étant cependant le fils d’Eduard Strauss I.

Les Strauss avaient donc adopté cette coutume chrétienne, étrangère à la tradition juive et en opposition avec les principes fondamentaux du judaïsme, qui consiste à donner à un fils le prénom de son père (voir mes articles précédents, notamment sur Rockefeller, Chaplin, Ionesco, etc.)...


Sources : site internet de la BNF ; Lemaire (Frans C.), Le Destin juif et la musique (Fayard, 2001).

jeudi 9 février 2017

Sophie Marceau et son homonyme juif

La rumeur idiote de sa judéité, sans doute marginale mais néanmoins existante, peut avoir au moins deux sources : d’une part, Sophie Marceau a incarné une Juive dans le film Pour Sacha, d’Alexandre Arcady, en 1991. Une fois de plus, on aura stupidement envisagé un lien entre une actrice de cinéma et le personnage qu’elle interprète.

D’autre part, par un rapprochement facile mais infondé, on aura pu s’imaginer sérieusement que la belle Sophie était la fille du mime Marceau, tout en sachant que celui-ci, de son vrai nom Marcel Mangel, était juif.

Marceau, fi !

Marceau n’est qu’un nom de scène, dans le cas de Sophie comme dans le cas de Marcel et surtout, il n’existe pas le moindre lien entre le mime et l’actrice.

Le vrai nom de Sophie Marceau est Sophie Maupu. Le réalisateur Claude Pinoteau ayant proposé à la jeune actrice de choisir comme pseudonyme le nom d’une avenue de Paris, celle-ci avait porté son choix sur l’avenue Marceau, tout simplement (Wikipedia).

Dans la généalogie de son père Benoît Maupu, chauffeur routier, on peut lire des noms comme Adam, Bouchardon, Gentil, Leroy et Moreau (geneanet.org). Maupu est un nom français, porté surtout dans la région du centre (départements 28, 41, 45), avec comme variantes possibles Maupou, Maupoux, Maupeou (geneastar.org).

La mère de Sophie Marceau s’appelle Simone Morisset, un nom de famille pas davantage susceptible d’être porté par des Juifs.

Sophie Marceau obtient le score 5/15 sur le site internet Jew Or Not Jew, soit 0/5 pour les origines, 1/5 pour la ressemblance et 4/5 pour le « regret » qu’elle ne soit pas juive. En un mot, aucune origine juive connue ni un tant soit peu vraisemblable, ni du côté maternel, ni du côté paternel.

vendredi 3 février 2017

Maurice Jarre ne s’appelait pas Moshé

Suffirait-il que vous soyez un musicien célèbre prénommé Maurice pour qu’on suppose que vous êtes juif ? À ce propos, on pourra lire mon article sur Maurice Ravel. Ou bien, peut-être faudrait-il une condition supplémentaire, par exemple le fait que vous ayez fait carrière dans le cinéma ?

Un esprit sensé admettra qu’associer l’identité juive à une telle combinaison d’éléments est passablement hasardeux, pour ne pas dire complètement stupide.

Le musicien et son fils

Jean-Michel Jarre aussi passe pour juif aux yeux de certaines personnes, sans doute parce qu’il est un petit peu quand même le fils de son père.

Quoi qu’il en soit, il ne me semble pas utile de consacrer un article au père et un autre au fils. Comme j’avais traité en même temps le cas de Jean-Pierre Cassel et celui de Vincent Cassel, je consacre le présent article au père, et en même temps, au fils.

Le patronyme Jarre est un nom français et n’a rien de juif. Il est surtout porté en Savoie et dans la Nièvre (geneastar.org et geneanet.org).

Selon le site internet geneanet.org et selon Le Robert des noms propres, c’est sans doute un toponyme évoquant le chêne (prélatin garric), que l’on retrouve en Savoie dans le hameau du Jarre (La Léchère).

Maurice Jarre était le fils d’André Jarre (lui-même fils d’Alexis Charles Jarre et de Marie-Gasparine Girard, laquelle était la fille de Romain Girard et de Marie Excoffier) et de Gabrielle Boullu, elle-même fille de Jean-Antoine Boullu et de Joséphine Lemaire (Wikipedia et geneanet.org) : Boullu est un nom que l’on retrouve surtout du côté de l’Isère et du Rhône (geneanet.org).

Quant à la mère de Jean-Michel Jarre, France Pejot, elle était la fille de Joanni Pejot et de Marie Henriette Monnet (geneanet.org). Pejot n’est pas plus juif que Peugeot, et aucun des autres noms que je viens de citer n’indique une ascendance juive.

samedi 28 janvier 2017

Marie-José Nat, juive dans des films

Nombreux ont été ceux qui, comme moi, après avoir vu le film Les Violons du bal (1973) de Michel Drach et les épisodes de la série télévisée Les Rosenberg ne doivent pas mourir (1975) de Stello Lorenzi, n’avaient pas imaginé que Marie-José(e) Nat, si émouvante à l’écran en mère juive aux abois, pouvait ne pas être juive.

Et pourtant...

© Francis Dussaussois/INA

En outre, on avait appris que cette actrice était l’épouse de Michel Drach. Une brune qui incarne une Juive à l’écran et qui est l’épouse d’un cinéaste juif, pensez donc... Avec Michel Drach, Marie-José Nat a même eu trois enfants.

Et pourtant...

Avant d’épouser Michel Drach, Marie-José Nat avait été mariée un an avec un certain Roger Dumas, de confession catholique.

Par la suite, elle allait entretenir une liaison avec Victor Lanoux, de son vrai nom Victor Nataf, né d’un père juif tunisien et d’une mère catholique normande (Wikipedia), avant de devenir l’épouse de Serge Rezvani, fils d’un Iranien non juif et d’une Juive russe (Wikipedia).

Et pourtant...

L’actrice brune n’a jamais été juive, comme le confirment un ensemble de faits relatifs à son enfance et à sa jeunesse, sur le blog Vivreaupresent.

Marie-José Nat, de son vrai nom Marie-Josée Benhalassa, est née à Bonifacio. Sa mère, qui était une bergère corse analphabète, n’était évidemment pas juive. Son père, un militaire algérien, était kabyle (Wikipedia). À l’école, elle avait été surnommée par ses camarades « la fille de l’Arabe ».

jeudi 26 janvier 2017

« Guy Millière, êtes-vous juif ? »

Sa passion pour Israël et pour le peuple juif est telle qu’on se demande parfois si son patronyme est un nom d’emprunt et s’il s’agit d’un Ashkénaze ou d’un Séfarade. Ni l’un ni l’autre, en réalité car Millière n’est pas juif. Il s’échine à le dire et à le redire [...] — Jean-Pierre Allali

Il s’échine à le dire et à le redire, comme je m’échine moi-même à expliquer que telle ou telle personnalité n’est pas juive... mais beaucoup de gens ne veulent croire que ce qu’ils ont envie de croire et sont imperméables à toute rationalité, surtout lorsqu’il est question des Juifs !

L'être ou ne pas l'être...

Sur le site du CRIF, Jean-Pierre Allali cite Guy Millière :

« Tu me demandes pourquoi, moi qui ne suis pas juif, je défends le pays juif [...] » (Guy Millière, Israël raconté à ma fille, Les Provinciales, 2016).

« Je ne suis pas juif, c’est vrai... il n’est nul besoin d’être juif pour défendre le pays juif. » (ibid.)

Je peux continuer à citer Guy Millière, à l’attention des lecteurs qui veulent bien garder un minimum de bon sens :

« Il m’est parfois demandé pourquoi je défends Israël alors que je ne suis pas juif. [...] Il m’est parfois demandé aussi pourquoi je combats l’antisémitisme alors que, n’étant pas juif, je ne suis pas directement concerné. » (Actualité chrétienne)

« Je me suis impliqué non pas parce que je suis juif (je ne le suis pas) ou parce que je suis citoyen israélien (je ne le suis pas non plus), mais en raison de valeurs éthiques et d’un attachement à certaines idées fondamentales. » (dreuz.info)

« Je ne suis pas juif, monsieur le Président. Mon adhésion à ce qui constitue les valeurs fondamentales du judaïsme pourrait me conduire à le devenir, mais je ne suis pas croyant et je ne veux surtout pas tricher. » (Lettre ouverte à Richard Prasquier)

« [...] le volumineux mais passionnant ouvrage d’un auteur qui, comme moi, n’est pas juif [...] » (dreuz.info)

« Au nom de quoi devrais-je, ou dois-je, affirmer et clamer que je ne suis pas juif... Au nom du fait qu’être juif, ce serait salissant ? » (Houdna, Underbahn, 2007)

« [...] lutter contre l’antisémitisme en France aujourd’hui vous vaut une très mauvaise réputation, même, et surtout, lorsqu’on n’est pas juif… » (Louyehi)

« Je ne suis pas juif, mais je sais que je n’admettrai jamais que les Juifs vivent à genoux [...] » (jssnews.com)

« L’une des questions[,] qui m’a été, une fois de plus, souvent posée lors de mon récent séjour en Israël, était celle-ci : êtes-vous juif ? J’ai dû répondre une fois encore que non, je ne suis pas juif. Je ne suis pas même chrétien. Je me définis comme agnostique. » (danilette.com)


(voir aussi mon article sur Michel Garroté)

mardi 24 janvier 2017

Rachida Dati, sur les listes de « Juifs » des malades mentaux

Il n’est pas vraiment surprenant de constater qu’un de ces blogs tenus par des Algériens adeptes de la théorie du complot juif fait figurer l’ancienne ministre française sur une prétendue liste de personnalités juives aux côtés d’un certain nombre de ses collègues qui ne sont pas plus juifs qu’elle, comme par exemple Michèle Alliot-Marie, Alain Juppé ou Manuel Valls, pour ne pas parler de François Hollande et de Nicolas Sarkozy.

Rachida Dati est la fille d’un père marocain, M’Barek Dati, maçon de son état, et d’une mère algérienne, Fatima Zohra. Elle est la deuxième d’une famille de onze enfants.

Je vous fais juive...?

© Photo : Simon Kirby

Dans un entretien avec le journaliste Claude Askolovitch, publié sous forme de livre (Je vous fais juges, Grasset, 2007), celui-ci lui demande si « le fait d’être d’ailleurs » a compté dans son enfance, ce à quoi elle répond : « Je ne viens pas d’ailleurs. Je suis née à Saint-Rémy, [en] Saône-et-Loire ». Est-ce que Claude Askolovitch, bien qu’il soit né en France comme son père et probablement sa mère, considère qu’il est « d’ailleurs » ?

Ni son prénom ni ceux de ses parents, ni tout ce que l’on sait d’elle, ne laissent imaginer une appartenance au peuple juif.

Interrogée sur la « question beur », Rachida Dati répond : « Elle ne m’a pas construite. » (ibid., p. 62)

Si Rachida Dati avait été juive, les commentateurs n’auraient pas insisté comme ils l’ont fait tant et plus sur ses « origines maghrébines ». Ils n’auraient même jamais employé ce terme. Qui a entendu parler des « origines maghrébines » de Jacques Attali, d’Éric Zemmour, de Ruth Elkrief, de Michel Boujenah ou de Patrick Bruel ?

À en croire Wikipedia, Rachida Dati serait de confession musulmane mais elle irait tous les dimanches à la messe. Sur les réseaux sociaux, elle a accolé à son nom le signe arabe de solidarité avec les chrétiens d’Irak. Quoi qu’il en soit, supposer qu’elle puisse être juive est parfaitement absurde.

vendredi 20 janvier 2017

La judéité d’E.T.A. Hoffmann n’est qu’un conte

Un homme aux talents multiples, doué pour l’écriture comme pour la musique et le dessin, portant un nom qui se termine par « -mann », prénommé Theodor comme Herzl et Adorno, et dont Offenbach allait faire le personnage principal d’un fameux opéra : que fallait-il de plus pour que l’on raconte qu’il était juif ?

Ernst Theodor Wilhelm Hoffmann, dit Ernst Theodor Amadeus Hoffmann, est né dans une famille de pasteurs luthériens et d’hommes de loi « appartenant à l’ancienne bourgeoisie de robe » (Wikipedia).

Photo : Wikimedia

Son père, Christoph Ludwig Hoffmann, qui était pasteur et avocat à Königsberg, épousa sa cousine Louise Albertine Doerffer, avec laquelle il eut trois fils : Johann Ludwig, Carl Wilhelm Philipp et celui qui nous intéresse ici, Ernst Theodor Wilhelm.

Où le jeune Ernst Theodor pouvait-il faire ses études, sinon dans une école luthérienne ? C’est cependant dans une église catholique qu’il s’unit à la fille d’un fonctionnaire polonais, Maria Thekla Michalina Rorer-Trzynska, rencontrée à Posen.

Il appela sa fille Cécile en référence à la patronne des musiciens, sainte Cécile, la fit baptiser et composa une messe en son honneur. Par la suite, il composa six cantiques dédiés à la Vierge Marie. Dans le même registre, on mentionnera aussi son opéra La Croix sur la Baltique.

Jusqu’ici, aucun lien particulier avec les Juifs, mais en voici un : le lien d’amitié qu’il eut à Varsovie avec un jeune collègue juif, Julius Eduard Hitzig. Celui-ci, installé à Varsovie depuis cinq ans et membre d’un groupe littéraire berlinois, allait devenir son biographe.

E. T. A. Hoffmann est inhumé dans le « cimetière III de Jérusalem et de la nouvelle paroisse » (Friedhof III der Jerusalems-und Neuen Kirchengemeinde) d’une congrégation évangélique, du côté de la porte de Halle (Friedhöfe vor dem Halleschen Tor) à Kreuzberg.