mercredi 14 décembre 2016

Marie-George Buffet, le PCF et les Juifs

Rares sont ceux, parmi les nouvelles générations, qui savent que le Parti communiste français a été fondé par un Juif polonais, Marcel Camin, né Mojzesz Kaminski. Il lui doit même son nom : en effet, ce n’est que par suite d’une confusion phonétique que le Parti caministe est devenu le Parti communiste.

Les anciens se souviennent de ce drôle d’accent que l’on croyait parfois déceler chez les cadres du PCF, par exemple chez Georges Marchais, né Georges (Gershon) Marczewski : « Nous, les caministes... » Ils avaient simplement conservé l’habitude d’employer l’appellation d’origine.

La coco... Kosellek.

Ceux qui colportent la rumeur selon laquelle Marie-George Buffet, ancienne secrétaire nationale du PCF, serait juive pourront reprendre à leur compte ce qui précède, c’est cohérent avec leurs théories.

D’où leur est venue cette idée ? C’est très simple. Le nom de jeune fille de Marie-George Buffet, c’est-à-dire le nom de son père, Kosellek, est  un nom à consonance étrangère : en l’occurrence, un nom slave. Ce sont les mêmes qui envisagent une identité juive chez Michèle Alliot-Marie, uniquement parce que la mère de celle-ci était d’origine polonaise et s’appelait Leyko.

Marie-George Buffet porte le nom de son mari, Jean-Pierre Buffet. Elle est la fille de Paul Kosellek et de Raymonde Rayer (Wikipedia). Paul Kosellek est d’origine polonaise, et Rayer est un patronyme français.

Le nom Kosellek peut faire penser, par exemple, à Kollek, nom d’un ancien maire de Jérusalem, ou bien à Jellinek, nom d’un célèbre rabbin. Cependant, les Kosellek ne sont habituellement pas juifs. Le pays où le nom de Kosellek est le plus répandu est la République Tchèque. On trouve des Koselleck (avec « -ck » à la fin) en Allemagne.

Pourquoi les Jellinek et les Kollek sont-ils juifs, et pas les Kosellek ? Pourquoi Abraham Kosciusko, ancêtre de Nathalie Kosciusko-Morizet, était-il juif, mais pas le père Popieluszko ni le héros polonais Tadeusz Kosciusko ? C’est ainsi : de la ressemblance entre deux noms à consonance slave, déduire que quelqu’un est juif est bien hasardeux, pour ne pas dire inepte.

Oserai-je ajouter – la réponse est oui – que Marie-George Buffet n’a pas « le type » ?


Photo : © Nico9393, Travail personnel, CC BY-SA 4.0, Wikimedia

lundi 12 décembre 2016

George Sand, aïeule de Shlomo ?

Il fallait bien que tôt ou tard, quelqu’un ait l’idée de voir en George Sand une Juive. Pourquoi une telle absurdité ? Tout simplement parce que Sand est aussi le nom d’un idéologue actuel dont la première chose que l’on sait est qu’il est né juif. Ce pseudo historien, qui est la risée des vrais chercheurs, doit sa renommée dans le monde arabe et chez les antisémites conspirationnistes à une seule chose, le fait qu’il affirme que le peuple juif n’existe pas tout en en faisant lui-même partie.

Un tel rapprochement, à partir d’un nom de quatre lettres, est d’autant plus ridicule que George Sand n’était que le pseudonyme d’Amantine Aurore Lucile Dupin de Francueil, baronne Dudevant. On admettra qu’il n’y a pas grand-chose de juif dans cet état-civil.

C’est un peu comme si l’on disait que Daniel Stern était un Juif, alors que ce nom, donné à une rue de Paris, était le pseudonyme sous lequel écrivait la comtesse Marie d’Agoult.

Le père de George Sand, Maurice Dupin de Francueil, était le fils de Louis Claude Dupin de Francueil et de Marie-Aurore de Saxe, comtesse de Horn, baptisée un mois après sa naissance, laquelle était la fille de Maurice de Saxe et de Marie Rinteau de Verrières.

Maurice de Saxe était un enfant naturel que Frédéric-Auguste, électeur de Saxe et roi de Pologne, avait eu avec Aurore de Koenigsmark.

Quant à la mère de George Sand, elle s’appelait Sophie Victoire Delaborde et elle était née en la paroisse de Saint-Germain l’Auxerrois. Elle était la fille de Marie-Anne Cloquard et d’Antoine Claude Delaborde.

Ajoutons que l’antisémitisme et l’antijudaïsme de George Sand sont visibles dans certains de ses écrits : ce qui, pour le coup, lui fait un point commun avec Shlomo Sand.


Sources : Wikipedia sur George Sand et sur Maurice Dupin ; georgesand.culture.fr ; Cités (2016) n°67 ; généalogie de George Sand.

jeudi 8 décembre 2016

Haussmann, pas juif mais baron

À en croire un camarade d’études, lui-même juif, le baron Haussmann était juif ainsi que Georges Bizet, Gustave Eiffel, le Colonel Fabien, la chanteuse Lio et je ne sais plus qui encore.

Que l’homme qui a transformé Paris sous le Second Empire soit juif, comment peut-on avoir une telle idée si ce n’est, tout bêtement (c’est le cas de le dire), parce qu’il avait un nom en « -mann »... comme Goetzmann, Griezmann, Hoffmann, Kauffmann ou Thalmann ?

Un point commun avec Lio...

À ma connaissance, abstraction faite des Juifs dont le patronyme est Baron, il n’est de barons juifs que les Hirsch et les Rothschild (si tant est que les Rothschild d’aujourd’hui soient encore juifs)... et aussi, dans le passé et plus à l’est, les Günzburg.

Le baron Georges Eugène Haussmann était le fils de Nicolas Valentin Haussmann et d’Ève Marie Henriette Caroline Dentzel. Nicolas Valentin Haussmann était le fils de Nicolas Haussmann, connu comme député de l’Assemblée Législative et de la Convention et commissaire aux armées.

Si cela ne suffisait pas, nous avons un Nicolas Valentin, fils de Nicolas : un fils ayant reçu le prénom de son père, ce qui est rarissime chez les Juifs. On sait aussi que Nicolas Haussmann était d’origine alsacienne et protestant.

Quant à la mère du baron Haussmann, elle était la fille d’un pasteur luthérien (donc protestant et par conséquent, chrétien) devenu général et député de la Convention puis baron d’Empire, Georges Frédéric Dentzel, lequel était né en Allemagne.

Pour connaître la signification du nom Haussmann, on pourra consulter une page ad hoc de Wikipedia, qui présente une liste de personnalités portant ce nom, avec cette orthographe ou avec une orthographe un peu différente.


Sources : Wikipedia, sur G.E. Haussmann, sur Nicolas Haussmann, sur G.F. Dentzel et sur le nom Haussmann, et le site internet Musée protestant.

mercredi 7 décembre 2016

La religion de Dominique Bromberger

Le nom de Dominique Bromberger figure sur au moins une de ces listes de « Juifs » publiées sur Internet par des antisémites complotistes. Pour ceux qui prétendent ne voir que des Juifs à la télévision, un journaliste aux cheveux bruns ondulés et portant un nom de famille à consonance germanique est nécessairement un Juif.

Les noms en « -berger », comme Bromberger, ne sont pas des noms « juifs ». Le nom Berger peut être français ou allemand, et il arrive aussi qu’il soit porté par des Juifs. Le vrai nom du chanteur Michel Berger était Hamburger, un nom qui fait référence à une ville (Hambourg) comme d’autres noms en « -burger » (si j’ose dire), mais ce n’est pas le cas des noms en « -berger ». Les Schlumberger sont protestants, c’est bien connu ; les Schützenberger ont toujours été des Alsaciens chrétiens ; le révérend père Bruckberger était un prêtre dominicain, né d’une mère française et d’un père autrichien.

« Une sainte, pourquoi pas
Marie, mère de Dieu ? »

Bromberger est clairement un nom porté dans l’Est, notamment du côté de l’Alsace (geneanet.org).

Un certain Christian Bromberger a dirigé l’Institut français de recherche en Iran entre 2006 et 2008. Un Juif qui se prénommerait Christian et qui serait allé résider à Téhéran, sous le régime actuel, est-ce vraisemblable ?

Quant à Dominique Bromberger, il est né en mars 1944 à Paris et il est permis de douter que beaucoup de Juifs aient pu naître à Paris à cette époque. Faute de disposer de détails sur sa famille, nous avons les récits de l’intéressé sur les visions qu’il a eues quand il était dans le coma, après un grave accident de scooter :

« Je marchais dans un lieu que j’ai entraperçu au cours d’un de mes voyages, Saint Jacques de Compostelle… » Dominique Bromberger se souvient, à ce moment, de l’apparition d’une figure féminine toute en blanc « ...qui eût pu être une reine, une sainte, pourquoi pas Marie, mère de Dieu… » (vidéo sur Dailymotion).

Une autre fois, à propos de cette même vision, Bromberger parle d’une reine d’Espagne, sans doute Isabelle la catholique. Il ajoute cependant : « Peut-être était-ce la Vierge, peut-être ai-je plus la foi que je ne l’imagine ? »

Quelle foi, quelle religion, quelle « confession » peut bien être celle d’un homme qui parle de « la Vierge » et de « Marie, mère de Dieu » ?

dimanche 4 décembre 2016

Chostakovitch, pas plus juif qu’Evtouchenko

Dans son ouvrage Le Destin juif et la musique (Fayard, 2001), déjà évoqué précédemment, Frans C. Lemaire fait état d’une inspiration juive présente dans certaines œuvres de Dmitri Chostakovitch, de façon plus explicite qu’ailleurs dans son cycle de mélodies Sur des poésies populaires juives op. 79.

Par ailleurs, dans sa treizième symphonie « Babi Yar », Chostakovitch a mis en musique le poème éponyme d’Evguéni Evtouchenko, qui est une protestation contre l’antisémitisme et qui dénonce l’attitude des autorités soviétiques vis-à-vis de la mémoire du massacre des Juifs en Ukraine.

Affranchissons-nous de ces bobards !

Peut-être est-ce pour l’une de ces deux raisons que certains se sont imaginé que « Chosta » était juif.

Je dis « peut-être », car l’expérience montre que tout est possible, même le plus absurde, et pas seulement de la part des gens les plus insensés.

Frans C. Lemaire consacre à Dmitri Chostakovitch pas moins de 11 pages (pp. 535-545), mais il précise que le compositeur russe, bien qu’ayant fait preuve d’une compassion et d’un intérêt particuliers pour le destin juif, n’était pas juif lui-même.

Les origines de Dmitri Dmitrievitch Chostakovitch sont russes et polonaises. Il était le fils de Dmitri Boleslavovitch Chostakovitch et de Sofiya Vasilievna Kokoulina. Son grand-père paternel Boleslav Chostakovitch, ou Boleslaw Szostakowicz en polonais, dont les ascendants étaient polonais et catholiques, avait été exilé en Sibérie pour avoir été impliqué dans une tentative d’assassinat du tsar Alexandre II, en 1866 (Wikipedia).

Dmitri Dmitrievitch signifie Dmitri, fils de Dmitri. Je dois encore le répéter ici, un fils portant le même prénom que son père, cela n’existe pratiquement pas chez les Juifs. Je dis « pratiquement » : je sais, cela existe quand même. Mais c’est très exceptionnel.

Et donc, je ne crains pas d’insister : un fils portant le même prénom que son père, cela n’existe pratiquement pas chez les Juifs.

jeudi 1 décembre 2016

Oscar Niemeyer et ses origines

Niedermeyer, Niemeyer, Meyer... C’est souvent en vertu de ce genre de rapprochement phonologique, phonétique, voire sémantique, et en l’absence de toute autre référence, que naît une légende attribuant à quelqu’un une origine ou une identité juive.

Il s’agit donc ici, une fois de plus, de faire un sort à ce genre d’ineptie.

La cathédrale de Brasilia

Niemeyer, tout comme Niedermeyer, est simplement un nom germanique.

En outre, l’architecte du siège du Parti communiste français et de la cathédrale de Brasilia s’appelait en réalité Oscar Ribeiro de Almeida de Niemeyer Soares Filho :

« Mon vrai nom est Oscar Ribeiro de Almeida de Niemeyer Soares. Ribeiro et Soares sont deux noms de famille d’origine portugaise ; Almeida est arabe et Niemeyer allemand. Je dois avoir en outre un peu de sang noir et indien. Il est certain que mon ascendance germanique n’a eu aucune influence sur mon caractère, mais au Brésil, un nom étranger comme celui que j’ai finalement choisi se retient beaucoup plus facilement. » (LeMonde.fr, 6 décembre 2012)

Son grand-père, Antonio Augusto Ribeiro de Almeida, était procureur de la République, au Brésil. Le nom de Niemeyer lui vient d’une grand-mère allemande native de Hanovre.

Fier de ses origines variées, portugaises, arabes, allemandes et autres, Niemeyer se disait « aussi métis que le sont tous [s]es frères brésiliens ».

À la fin de sa vie, Niemeyer, qui avait toujours été communiste et qui avait écrit sur un mur de son atelier « Por um mundo melhor » (pour un monde meilleur), a rencontré son « ami » le dictateur antisémite Hugo Chavez et lui a témoigné son soutien.


Sources : lefigaro.fr, lemonde.fr, Wikipedia
Photo : Creative Commons Atribuição 3.0 Brasil

mercredi 30 novembre 2016

Niedermeyer, quelle religion ?

Un musicien dont le nom se termine par « -meyer », dont le premier prénom est Abraham… et qui a étudié auprès d’Ignaz (Isaac) Moscheles ! Je ne suis pas surpris qu’on m’ait déclaré un jour que ce monsieur était juif.

Or, il n’en est rien. Niedermeyer est un nom germanique, comme ses variantes Niedermayer et Niedermeier, et les prénoms bibliques ne sont pas rares chez les protestants.

À Nyon, alors !

Effectivement, Abraham Louis Niedermeyer, baron d’Altenbourg, né à Nyon, en Suisse, était issu d’une famille de Suisses protestants. Cela ne l’empêcha pas de se passionner pour la liturgie catholique.

Son épouse s’appelait Jeanne Suzanne Charlotte des Vignes de Givrins. Au passage, le prénom usuel de Niedermeyer était Louis, et non pas Abraham.

Après avoir donné en concert sa Messe solennelle en l’église Saint-Eustache, à Paris, Louis Niedermeyer se consacra essentiellement à la musique d’église. On lui doit plusieurs messes et de nombreux motets.

Il réorganisa l’institut de musique religieuse d’Alexandre-Étienne Choron, qui devint l’École de musique religieuse et classique, plus connue sous le nom d’école Niedermeyer de Paris (plus d’un siècle après sa mort, son nom allait être donné au conservatoire d’Issy-les-Moulineaux).

Louis Niedermeyer fonda également un périodique consacré à la musique religieuse (chrétienne). Par la suite, il écrivit un volumineux ouvrage sur l’accompagnement pour orgue des offices de l’Église.


Sources : Wikipedia, Universalis, symphozik.info