vendredi 12 juillet 2019

Julio Iglesias, plus proche des églises que des synagogues

Le public a été surpris d’apprendre que sa mère était juive et qu’il était lui-même « juif à partir de la taille ». – Brian Blondy, Julio Iglesias charms in Tel Aviv, article paru dans le Jerusalem Post (9 septembre 2009).

En avril 2019, quelqu’un a publié sur Facebook un lien vers une page du site Juifs célèbres consacrée à Julio Iglesias, datant de 2009. En visite en Israël, celui-ci aurait déclaré que sa mère était juive, et qu’il était lui-même « juif à partir de la taille ». Naturellement, une autre personne a aussitôt publié ce commentaire : « Je ne savais pas qu’il était juif ! »

Que signifie « être juif à partir de la taille » ? Pour en avoir une idée, imaginons un instant que quelqu’un se dise « musulman à partir de la taille », « arabe à partir de la taille », « arménien à partir des genoux » ou « protestant à partir des épaules » : et ses jambes, elles seraient quoi ? Cela n’a évidemment aucun sens.

Un cadrage judaïsant sur « Roulio »

D’après la version espagnole de Wikipedia, Julio Iglesias aurait affirmé être « partiellement juif » du côté de sa mère, alors même qu’on ne lui trouve aucun ascendant juif du côté maternel. Quant à la version française, elle reprend une mauvaise traduction de l’espagnol.

Qui est plus fiable, un blogueur juif francophone qui vante les contributions des Juifs à l’humanité, ou un rédacteur espagnol qui se donne la peine d’écrire une note biographique sur Julio Iglesias ?

Et quel crédit accorder aux déclarations de l’intéressé ? La pianiste Hélène Grimaud, par exemple, aurait elle-même affirmé, dans une interview accordée à un journaliste américain, être d’origine juive par ses deux parents, alors qu’il n’en est absolument rien (lire mon article à son sujet).

Le site américain Jew Or Not Jew attribue à Julio Iglesias la mention Barely a Jew, que l’on peut traduire par « à peine juif » ou « quasiment pas juif » et le score 7/15, décomposé comme suit : 2/5 pour les origines (ce qui est bien généreux, au vu des éléments dont il est fait état dans le présent article), 1/5 pour la ressemblance avec un Juif, et 4/5 pour l’envie de pouvoir le considérer comme juif.

Julio Iglesias de la Cueva est le fils de Julio Iglesias Puga et de María del Rosario de la Cueva. On remarquera qu’il a reçu le même prénom que son père, ce qui est absolument contraire aux us et coutumes des Juifs, mais surtout, que le prénom de sa mère, María del Rosario (Marie du rosaire), indique on ne peut plus clairement qu’elle était issue d’une famille fortement attachée à la tradition catholique.


Sources : Geni ; Jew Or Not Jew ; Wikipedia (es.).

samedi 22 juin 2019

Un racontar sur Mme Collard : Autard en emporte le Var

Sur Facebook, le 28 mai 2019, quelqu’un, sans doute pour expliquer l’engagement de maître Gilbert Collard en faveur d’Israël, avait cru pouvoir préciser que la femme de celui-ci était juive.

Sur quoi se fondait-il pour affirmer une chose pareille, on se le demande bien.

Anne-Marie Autard, épouse Collard, élue en 2016 conseillère régionale de la région « Languedoc Roussillon Midi Pyrénées » pour le Groupe « Front National - Rassemblement Bleu Marine », est la fille de Pierre Autard et d’Anna Marie Berenguier, tous deux marseillais.

Elle redescendait dans le Midi...

Autard n’est évidemment pas un patronyme porté par des Juifs, ce que confirme l’examen des prénoms des Autard dans les registres de mariage de la ville de Marseille (GénéProvence).

Déjà, le prénom qui apparaît en tête de liste est Jean-Baptiste, ce qui est évidemment un signe. Le reste est à l’avenant : Jean-Noël, François Xavier Benoît, Joseph Marie, Françoise Baptistine, Jeanne Marie Madeleine, Marie-Thérèse, etc.

Le nom de famille Berenguier n’indique pas davantage une origine juive. Il suffit, pour s’en convaincre (s’il en était vraiment besoin), de constater la très forte concentration du nombre de naissances sous ce patronyme dans le département du Var, par rapport à tout le reste de la France métropolitaine, entre 1891 et 1965 et même sur une période plus récente (filae.com).

Ajoutons, pour faire bonne mesure, qu’Anne-Marie Autard a reçu quasiment le même prénom que sa mère : à ce propos, voir mes articles précédents.

L’affirmation de notre internaute sur Facebook ne repose évidemment sur rien du tout, elle est aussi fantaisiste que gratuite. Autant en emporte le vent.


Sources : geneanet.org ; GénéProvence ; filale.com ; herault-tribune.com.

lundi 22 avril 2019

Louisa Colpeyn n’était pas une Juive de Salonique

Dans une lettre ouverte au président Macron sur le thème de la « question juive » (sic), l’écrivain malien Ismaël Diadié Haidara écrit imprudemment que la mère de son confrère français Patrick Modiano était « d’origine juive » et plus précisément, qu’elle était originaire de la communauté juive de Salonique.

Or, certains ont dit que Louisa Colpeyn, de son vrai nom Louisa Colpijn, était moitié hongroise et moitié belge.

La mère du Nord

Se seraient-ils fondés sur des sources moins fiables que l’écrivain natif de Tombouctou ? Ou sur des sources plus fiables ? Ou aussi peu fiables ?

Selon les mots de son propre fils Patrick Modiano, Louisa Colpeyn était « tout à fait flamande » (on notera que son prénom est aussi orthographié Luisa).

Outre que Colpijn n’est pas du tout un nom séfarade, ni même un nom porté par des Juifs de façon générale (et que c’est effectivement un nom flamand), je suis tenté de supposer que Patrick Modiano est le mieux placé pour savoir quelles étaient les origines de sa propre mère.

Ajoutons que, contrairement à son mari Albert Modiano, d’origine juive du côté paternel mais peut-être pas du côté maternel, l’actrice belge n’avait nullement été inquiétée en 1942 en Belgique occupée, et pas davantage à Paris où elle était allée s’installer cette même année et où elle allait faire sa connaissance.

On pourra aisément comprendre que j’envisage, au moment où ces lignes sont écrites, de traiter aussi sur ce blog, un jour où l’autre, le cas de Patrick Modiano lui-même.


Sources : Patrick Modiano, Un pedigree, Gallimard, 2005 ; Le Réseau Modiano.

vendredi 12 avril 2019

Sabine Azéma, une actrice qui domine la France

Qui donc m’avait dit un jour que Sabine Azéma était juive ? Peu importe, car le présent article trouve une autre justification, s’il en était besoin. Sur un site internet algérien conspirationniste intitulé « Ces Juifs qui dominent la France » (sic), on trouve inévitablement, parmi un certain nombre d’autres personnalités erronément étiquetées comme juives, la mention suivante : « AZEMA, Sabine. Actrice. »

Une dominante de roux

Certes, quand on connaît peu de choses sur les noms et leur origine, on peut s’imaginer qu’un patronyme comme Azéma indique des origines juives. Surtout si l’on sait que la chanteuse soprano Anne Azéma est l’épouse du musicien américain Joël Cohen.

Pourtant, un certain Jean-Baptiste Azéma a été, il y a longtemps, gouverneur de l’île de la Réunion. Il était peu vraisemblable, à cette époque, qu’un Juif puisse accéder à un tel poste, et il était encore moins vraisemblable qu’un Juif puisse se prénommer Jean-Baptiste. En outre, un de ses descendants, Jean-Henri Azéma, a été collabo pendant la Seconde Guerre mondiale.

Un nom du midi de la France

En effet, le patronyme Azéma n’est pas du tout un nom suggérant une appartenance au peuple juif.

C’est un nom de famille du midi de la France et comme le montre bien la carte ci-contre, les naissances sous ce nom, depuis plus d’un siècle, sont très nettement localisées dans la région des Pyrénées orientales.

D’après les généalogistes, Azéma serait la forme méridionale d’un nom de baptême et patronyme dérivé des racines germaniques ade qui signifiait noble, et mar, qui signifiait célèbre. Les variantes de ce nom sont notamment Adhémar et Azémar.

La mère de Sabine Azéma s’appelait Odile Caziot, sa grand-mère maternelle s’appelait Louise Marie Josèphe du Hecquet et son arrière-grand-mère, Rose Marie Louise Gogot.

Entre Odile, Louise Marie et Marie Louise, nous n’avons vraiment pas grand-chose de juif et très franchement, des patronymes comme Caziot, Gogot et du Hecquet ne suggèrent pas davantage une filiation d’origine israélite.


Sources : FILAE ; Geneanet ; LaCroix.

samedi 6 avril 2019

Romy Schneider parmi les célébrités juives ?

Je ne suis pas sûr d’avoir déjà eu connaissance une seule fois dans ma vie d’une liste de personnalités juives qui n’aurait comporté aucune erreur. Ainsi, par exemple, sur un site internet qui prétend recenser des célébrités juives, Romy Schneider est présentée comme « Juive ashkénaze ». Aurait-elle joué le rôle d’une Juive dans un film ? Ou bien, serait-ce parce que le nom Schneider est quelquefois porté par des Juifs ?

Voici quelques faits qui nous permettront aisément de juger si Romy Schneider a sa place parmi les « célébrités juives », comme nous le suggère le site internet en question :

Quand Rosemarie
n’était pas encore Rosalie
1. Romy Schneider s’appelait en réalité Rosemarie Magdalena Albach.

2. Ses parents l’avaient fait baptiser.

3. Ses parents, Magda Schneider et Wolf Albach, s’étaient mariés en 1937 à Berlin.

4. Le père de Magda Schneider, donc le grand-père de Romy Schneider côté maternel, se prénommait Franz Xaverius (c’est-à-dire François-Xavier, un prénom typiquement chrétien).

5. Dans son enfance, Romy avait joué avec les enfants du nazi Martin Bormann, qui était un proche de sa mère.

6. La mère de Romy Schneider, Magda Albach, née Schneider, avait été exemptée d’impôt par le ministère nazi de la Propagande.

7. Sa grand-mère maternelle, Maria Schneider, née Meier-Hörmann, avait rencontré Hitler et fréquenté son cercle.

8. En 1938, les parents de Romy avaient emménagé à Schönau am Königssee, près de Berchtesgaden. Le Berghof, le fameux chalet d’Hitler, à quelque six cent mètres à vol d’oiseau, était visible de l’autre côté de la vallée.

9. En 1944, Romy est entrée à l’école primaire de Berchtesgaden.

10. De 1949 à 1953, elle a été pensionnaire d’une institution religieuse catholique, en Autriche.

11. Après la guerre, Magda Albach, née Schneider, la mère de Romy Schneider, a dû interrompre son activité professionnelle à cause de ses accointances passées avec le régime nazi.

12. Romy Schneider a déclaré en 1976 qu’elle pensait que sa mère avait eu une relation avec Hitler.

Il est bien connu que la belle actrice germano-autrichienne a toujours cherché à s’affranchir du passé très sulfureux de sa famille. C’est, bien entendu, ce qui explique qu’elle ait donné à ses enfants des prénoms d’origine hébraïque, David et Sarah, et qu’elle ait porté une étoile de David en pendentif. Disons que Romy Schneider aurait peut-être sa place sur une liste de « Juifs d’honneur », en admettant que cette expression ait un sens.


Sources : Wikipedia.

jeudi 4 avril 2019

Le prénom juif de David Pujadas

Des gens mal inspirés ont cru pouvoir affirmer que ce présentateur de télévision était juif. Pour quelle mauvaise raison ? À part son prénom, je ne vois pas.

David était certes un fameux roi d’Israël, mais ce prénom fait bien entendu partie du calendrier chrétien. S’il est relativement prisé chez les Juifs, il est tout aussi bien porté par des antisémites fanatiques comme David Duke ou David Irving (et pas seulement dans les milieux protestants anglo-saxons).

Les Redon nés entre 1891 et 1915

Certes, comme on a pu le voir à propos de Kad Merad, il y a chez certains déficients mentaux le présupposé selon lequel la plupart des personnalités du petit écran seraient des Juifs. Partant de là, même Harry Roselmack peut être juif. Et pourquoi pas Rockaya Diallo, aussi ?

David Pujadas est né à Barcelone d’un père espagnol, Rosendo Pujadas, et d’une mère française, Françoise Redon. Avant de devenir traducteur, son père avait arrêté l’école à 13 ans pour travailler sur les marchés. La famille s’est installée en France peu après la naissance de l’intéressé.

Le patronyme de sa mère, Redon, dérive du vieux français. Les prénoms les plus courants chez les Redon sont Jean, Marie, Pierre, Jeanne… à comparer avec les prénoms les plus courants chez les Lévi, par exemple, qui sont Joseph, Abraham, Isaac, Sara…

Le nom Pujadas n’indique pas davantage des origines juives.

Le 11 février 2016, un notable juif, Gilles Taïeb, a accusé David Pujadas d’avoir illégalement incité au boycott d’Israël par le biais de la diffusion, la veille, d’un reportage extrêmement tendancieux. Roger Cukierman, président du CRIF, a repris cette accusation dans un courrier adressé à la présidente de France Télévisions.

Ce n’était pas la première fois que David Pujadas se faisait le chantre d’une ignoble propagande contre Israël.

Au risque de me répéter : à part son prénom, je ne vois pas. Vraiment pas.


Sources : filae.com ; geneanet.org ; Wikipedia.

vendredi 8 mars 2019

Harry Roselmack, victime du racisme… contre les Juifs !

« Je me vois peu, mais je ne me vois pas noir. En tout cas, je ne me qualifie pas comme tel, en général. Je suis d’abord un homme, un fils, un frère, un mari et un père, un citoyen, un journaliste, un passionné et... oui, oui, c’est vrai, je suis noir. La République, son slogan et ses lois parviennent, la plupart du temps, à me le faire oublier. » — Harry Roselmack (www.ozap.com)

Sachant jusqu’où peut aller l’irrationalité dès qu’on parle des Juifs, on n’est même plus surpris d’apprendre que le journaliste et animateur de télévision Harry Roselmack passe pour juif aux yeux de certains crétins incultes et aigris comme il en pullule sur l’Internet. Voici ce qu’on peut lire sur Yahoo (questions/réponses) :

Un Noir qui n’est ni musulman, ni juif ?

« La judaïcité de Harry Roselmack influence-t-elle sa vision de l’Islam ? » (sic)

On aurait pu imaginer un rapprochement phonétique intempestif entre Roselmack et des noms en « Rosen- » comme par exemple Rosenmann. Mais apparemment, il s’agit d’autre chose :

« Monsieur Roselmack, Juif [a]shkénaze par sa mère, fait un reportage sur l’Islam… l’objectivité d’un tel travail semble une évidence à TF1… » (re-sic)

Ainsi donc, si ce que dit ou écrit Harry Roselmack n’est pas flatteur pour l’Islam, il n’y a qu’une explication possible : c’est parce qu’il est juif !

Remarquons, au passage, ce qu’implique un propos aussi ignoble, digne d’un Bruno Gollnisch : un journaliste pourrait donc faire preuve d’objectivité s’il est catholique, protestant, musulman, noir, asiatique, communiste, anarchiste, breton, corse, homosexuel ou que sais-je… mais pas s’il est juif.

J’ignore quelle vision Harry Roselmack peut avoir de l’islam et je m’en moque. Toujours est-il qu’il n’est évidemment pas plus juif que le prince héritier d’Arabie Saoudite ou le Premier ministre japonais.

Harry Roselmack est le fils d’un CRS et d’une employée de La Poste, tous deux martiniquais. Le nom de jeune fille de sa mère est Boungo : pas très ashkénaze, comme nom. Par ailleurs, sa femme est également d’origine martiniquaise par ses deux parents.

Pour faire l’objet de propos racistes anti-juifs, nul besoin d’être juif. On peut être français de souche et catholique (comme Geneviève de Fontenay), anglais et protestant (comme Charles Darwin), ou encore, arabe et musulman (comme Mouammar Kadhafi). On peut même être noir et d’origine antillaise par ses deux parents. Gageons que si des extraterrestres débarquaient un jour sur Terre, il se trouverait des abrutis pour affirmer qu’ils sont juifs.


Sources : lesechos.fr ; femmeactuelle.fr.

lundi 4 mars 2019

Lio, ou quand les brunes ne comptent pas pour des Juives

Comme je l’ai déjà évoqué précédemment, un camarade d’études, lui-même juif, prêtait à tort une identité juive à un certain nombre de personnalités : Georges Bizet, Gustave Eiffel, le Colonel Fabien, le baron Haussmann, Jean Jaurès… et Lio, alors connue comme chanteuse, notamment pour sa chanson sur les brunes.

Pour cette seule raison ? Ou bien, en raison de son nom (voir ci-dessous) ? Allez savoir. Je l’ai suffisamment montré, il n’y a aucune rationalité que l’on puisse espérer trouver dans le discours dès lors que la personnalité juive est attribuée, de façon fantasmatique, à telle ou telle célébrité.

C’est Lio, pas Celio !

Lio, de son vrai nom Vanda Maria Ribeiro Furtado Tavares de Vasconcelos, est née le 17 juin 1962 à Mangualde, au Portugal. Elle est la fille de Fernando Tavares de Vasconcelos, un officier issu d’une des plus grandes familles de l’aristocratie portugaise, les Vasconcelos, connue pour avoir servi au Mozambique lors des guerres coloniales salazaristes contre l’indépendance de l’empire portugais.

Sa mère était également portugaise. Elle s’appelait Helena Ribeiro Furtado, et elle était la fille de Dino Furtado et d’Otilia Ribeiro Da Cruz.

Il est relativement improbable, à notre époque, qu’une Portugaise soit juive. La seule partie de son état-civil qui suggère une origine juive est le nom Furtado. Abraham Furtado, au XVIIIe siècle, était issu d’une famille juive, mais il n’est pas sûr du tout que la plupart des Furtado actuels soient juifs, même si ce nom laisse fortement penser que certains de leurs ancêtres l’ont été. Plus généralement, rien de ce que l’on sait de Lio ne nous indique qu’elle serait juive. On peut juste supposer que certains de ses ascendants il y a deux siècles, surtout du côté du père de sa mère, étaient juifs ou marranes.

Dans une interview, Lio a déclaré qu’elle aimerait « donner deux baffes au pape à cause de sa position sur les préservatifs » (sic), ce qui laisse penser qu’elle est de confession catholique. En effet, une Juive, qu’elle soit croyante ou non, ne se soucierait pas autant de la position du pape sur ce sujet, ni sur n’importe quel sujet de manière générale.


Sources : geneanet.org ; parismatch.com ; Wikipedia.

lundi 18 février 2019

Hélène Grimaud et les « antisionistes »

Au milieu des années quatre-vingt-dix, dans une interview accordée au journaliste John Rockwell, du New York Times, Hélène Grimaud aurait déclaré que son père descendait de Juifs séfarades d’Afrique du Nord et que les ancêtres de sa mère étaient « des Juifs berbères corses ». Ses parents se seraient appelés Grimaldi et auraient francisé leur nom avant sa naissance.

Naturellement, ces fadaises n’ont pas manqué d’être reproduites ici et là, entre autres par Wikipedia qui se réfère également au site internet américain Musician’s Guide en ajoutant que la belle pianiste blonde aux yeux bleus descendrait de « Juifs algériens » du côté de son père.

Une bombe, la Grimaud !

De deux choses l’une : ou bien il a pris un jour à Hélène Grimaud la fantaisie de s’inventer une ascendance juive, sans doute pour se payer la tête du journaliste qui l’interviewait, ou bien c’est le journaliste qui a tout inventé.

Et cependant, il n’en aura pas fallu davantage pour que des fanatiques de la prétendue « cause palestinienne » se mettent à perturber ses concerts !

Dans son livre autobiographique Variations sauvages (Robert Laffont, 2003), Hélène Grimaud mentionne à deux reprises les cours de catéchisme qu’elle a suivis dans son enfance.

Son père, Claude Grimaud, est le fils de Clair Joseph Jean Grimaud et de Raymonde Cazarrelly. Clair Joseph Jean Grimaud était le fils de Jean-Baptiste Philippe Grimaud et de Joséphine Marie Jourgan. Jean-Baptiste Grimaud était lui-même le fils de Jacques Baptistin Grimaud. Quand on remonte l’arbre généalogique de la pianiste jusqu’au XVIIe siècle, côté paternel, le nom Grimaud est toujours présent, et les épouses des Grimaud portent également des noms à consonance française. Nulle trace de Grimaldi, ni de noms juifs, séfarades ou autres, et nulle trace de l’Algérie ni de l’Afrique du Nord.

La mère d’Hélène Grimaud, Josette Cirelli, née en Corse, est la fille d’Antoine Cirelli et de Pauline Bartoli, tous deux corses. La belle pianiste précise dans son livre (ibid.) que sa mère, qui est corse, vient d’un petit village de montagne, Olmo. Bartoli est aussi le nom de la mère de la chanteuse Jenifer, et les ascendants de Jenifer sont juifs du côté de son père, Michel Dadouche, mais pas de sa mère, Christine (eh, oui) Bartoli, d’origine corse. À propos de la légende des Corses qui seraient d’origine juive, voir le dernier paragraphe de mon article sur Marie-Dominique Culioli.


Sources : Hélène Grimaud, Variations sauvages (Robert Laffont, 2003) ; Genealogie Magazine ; geneanet.org ; Last Night in Orient (blog sur la musique arabe) ; New York Times ; Wikipedia.

mardi 12 février 2019

Marie d’Agoult, juive par son pseudonyme ?

Marie d’Agoult, qui écrivait sous le nom de plume de Daniel Stern, était la fille d’Alexandre Victor François de Flavigny, un noble français émigré pendant la Révolution, et de Maria Elisabeth Bethmann, laquelle était issue d’une famille de banquiers protestants.

Sur Facebook, une intervenante a affirmé – tout bêtement – que les Bethmann étaient une famille de Juifs allemands convertis au protestantisme. Cette même personne a également affirmé ce bobard avec aplomb sur son site internet consacré à Marie d’Agoult.

Bethmann, c’est juif ?
Et Daniel Stern ?

Or, une recherche sur Internet permet de constater que personne, en dehors de cette internaute, n’a jamais fait mention d’une origine juive chez les ascendants de Marie d’Agoult, née Marie Catherine Sophie de Flavigny, éduquée au couvent des Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus et mariée au comte Charles Louis Constant d’Agoult.

La mère de Marie d’Agoult, Maria Elisabeth Bethmann, d’origine allemande, était la fille de Johann-Philipp Bethmann et de Catharina Margaretha Schaaf.

Johann-Philipp Bethmann était le fils de Simon Moritz Bethmann et d’Elisabeth, née Thielen, lesquels étaient tous les deux protestants et nés de parents protestants.

Le père de Catharina Margaretha Schaaf s’appelait Anton Schaaf et sa mère s’appelait Susana Scheidt, ou von Scheidlin, selon les sources.

Dans ses écrits, Marie d’Agoult nous montre bien que ses ascendants n’étaient absolument pas juifs : « ...ma mère qui, à demi française, avait perdu à l’égard des juifs, comme à tant d’autres égards, l’âpreté des préjugés francfortois... »

Autre exemple, cette réaction de sa grand-mère maternelle Catharina Margaretha Schaaf, apprenant par son fils, l’oncle de Marie d’Agoult, que celui-ci et son épouse avaient reçu la visite d’Amschel Rothschild à l’occasion de la naissance de leur fils :

« Il n’avait pas prévu le soulèvement d’indignation qu’il provoqua. Quoi ! Ce malheureux fils de juif allait venir en sa maison, il allait entrer dans la chambre de sa belle-fille, toucher de ses mains, peut-être, le berceau chrétien de son petit-fils ! Cette pensée la mettait hors d’elle-même, et il ne fallut rien de moins que l’accord de toute la famille pour la réduire à supporter ce changement des temps et cette incroyable diminution de la fierté chrétienne dans sa propre famille ! »

Marie d’Agoult nous explique donc dans ses écrits que chez ses ascendants, et jusqu’à sa grand-mère du côté maternel, on cultivait de vilains préjugés à l’encontre des Juifs. Par ailleurs, sa fille Cosima, très antisémite, allait épouser successivement deux hommes aussi antisémites qu’elle, tout d’abord Hans von Bülow, puis Richard Wagner, et devenir par la suite la belle-mère de l’ignoble nazie Winifred Wagner.


Sources : Marie d’Agoult, Mes Souvenirs (publié sous le nom de Daniel Stern)  ; ibid.; geneanet.org ; Wikipedia, sur Marie d'Agoult et sur les Bethmann.