Un estimable lecteur m’a adressé le message suivant :
Suite à une discussion entre amis, il est apparu que [m]onsieur Gottlieb Duttweiler, fondateur de la Migros suisse et homme politique suisse de premier plan, passe à tort pour être de confession juive. La confusion proviendrait du fait que les succursales berlinoises des magasins Migros aient été violemment boycottées par les Sturmabteilungen (S.A.), au même titre que les commerces dits « juifs ». La Migros était toutefois attaquée par les nazis en sa qualité de grande entreprise étrangère, et non en raison d’une quelconque identité juive de son fondateur [...].
Ce n’est pas seulement en Allemagne que des boycotts avaient été organisés contre l’enseigne Migros, mais aussi en Suisse. Le nazisme y était pour quelque chose, mais l’hostilité de ses concurrents également.
Certains détracteurs de Migros avaient prétendu y voir « une société juive », ce qui laisse penser qu’ils tenaient pour juif son fondateur.
Sans doute celui-ci s’était-il fait d’autres ennemis encore en décidant, pour mieux contre-attaquer, de se lancer dans la politique. Il avait même fait l’objet d’une haine pathologique. Il lui était arrivé d’être désigné dans un journal suisse comme « l’ennemi public n°1 ».
Or, si certains de ses ennemis le disaient juif, d’autres en faisaient un nazi : dans la presse, on avait pu lire un jour « Heil Duttler ! », tandis que quelqu’un avait désigné Duttweiler comme « Le petit Göring de Rüschlikon » (Rüschlikon étant la ville où il s’était fait construire une villa, près de Zurich).
De façon aussi grotesque, Gottlieb Duttweiler avait été accusé par certains d’être « à la solde de Brown-Boveri » (une grande compagnie suisse d’électrotechnique).
Mais Duttweiler était finalement devenu très populaire auprès d’un large pan de la population suisse. Plus d’un demi-siècle après sa mort, « Dutti » reste une des plus grandes figures de tout le paysage helvétique du XXe siècle.
Il fut un grand innovateur dans le domaine de la grande distribution, un peu comme les fondateurs des grands magasins à Paris, dont la rumeur dit qu’ils étaient tous juifs (en réalité, la plupart ne l’étaient pas). Pour son audace et ses méthodes révolutionnaires, il pourrait aussi être comparé à d'autres visionnaires qui étaient juifs, comme Emil Jellinek ou Marcel Bleustein-Blanchet.
Et comment ne pas mentionner l’éthique remarquable de Duttweiler, qui avait interdit la vente d’alcool et de tabac dans les points de vente Migros et s’était efforcé de promouvoir l’écologie, le recyclage et le commerce équitable dès la fin des années trente !
Est-il vraiment nécessaire de rappeler que porter un nom à consonance germanique est tout ce qu’il y a de plus banal en Suisse alémanique, et même dans le reste du pays, et que cela ne permet nullement de préjuger de la religion de l’intéressé ?
Il me semble que jamais, sauf peut-être le jour de la fête de Pourim (et encore...), des Juifs n’auraient habillé leur petit garçon comme sur la photo ci-contre.
Surtout, outre que Gottlieb Duttweiler portait le même prénom que son père et que rien n’indique que son père ni sa mère auraient pu être juifs, ses obsèques, à Zurich en 1962, ont eu lieu à l’église... et même, plus fort encore, elles ont été organisées simultanément dans quatre églises différentes.
Sources : Dictionnaire historique de la Suisse, Testatelier, Migros Magazine (du 4 juin 2012), Migros Magazine (du 11 mars 2013), WOZ.
Suite à une discussion entre amis, il est apparu que [m]onsieur Gottlieb Duttweiler, fondateur de la Migros suisse et homme politique suisse de premier plan, passe à tort pour être de confession juive. La confusion proviendrait du fait que les succursales berlinoises des magasins Migros aient été violemment boycottées par les Sturmabteilungen (S.A.), au même titre que les commerces dits « juifs ». La Migros était toutefois attaquée par les nazis en sa qualité de grande entreprise étrangère, et non en raison d’une quelconque identité juive de son fondateur [...].
Ce n’est pas seulement en Allemagne que des boycotts avaient été organisés contre l’enseigne Migros, mais aussi en Suisse. Le nazisme y était pour quelque chose, mais l’hostilité de ses concurrents également.
Que croit-on que le doute vaille ? |
Sans doute celui-ci s’était-il fait d’autres ennemis encore en décidant, pour mieux contre-attaquer, de se lancer dans la politique. Il avait même fait l’objet d’une haine pathologique. Il lui était arrivé d’être désigné dans un journal suisse comme « l’ennemi public n°1 ».
Or, si certains de ses ennemis le disaient juif, d’autres en faisaient un nazi : dans la presse, on avait pu lire un jour « Heil Duttler ! », tandis que quelqu’un avait désigné Duttweiler comme « Le petit Göring de Rüschlikon » (Rüschlikon étant la ville où il s’était fait construire une villa, près de Zurich).
De façon aussi grotesque, Gottlieb Duttweiler avait été accusé par certains d’être « à la solde de Brown-Boveri » (une grande compagnie suisse d’électrotechnique).
Mais Duttweiler était finalement devenu très populaire auprès d’un large pan de la population suisse. Plus d’un demi-siècle après sa mort, « Dutti » reste une des plus grandes figures de tout le paysage helvétique du XXe siècle.
Il fut un grand innovateur dans le domaine de la grande distribution, un peu comme les fondateurs des grands magasins à Paris, dont la rumeur dit qu’ils étaient tous juifs (en réalité, la plupart ne l’étaient pas). Pour son audace et ses méthodes révolutionnaires, il pourrait aussi être comparé à d'autres visionnaires qui étaient juifs, comme Emil Jellinek ou Marcel Bleustein-Blanchet.
De quoi le petit Duttweiler avait l’air ? |
Est-il vraiment nécessaire de rappeler que porter un nom à consonance germanique est tout ce qu’il y a de plus banal en Suisse alémanique, et même dans le reste du pays, et que cela ne permet nullement de préjuger de la religion de l’intéressé ?
Il me semble que jamais, sauf peut-être le jour de la fête de Pourim (et encore...), des Juifs n’auraient habillé leur petit garçon comme sur la photo ci-contre.
Surtout, outre que Gottlieb Duttweiler portait le même prénom que son père et que rien n’indique que son père ni sa mère auraient pu être juifs, ses obsèques, à Zurich en 1962, ont eu lieu à l’église... et même, plus fort encore, elles ont été organisées simultanément dans quatre églises différentes.
Sources : Dictionnaire historique de la Suisse, Testatelier, Migros Magazine (du 4 juin 2012), Migros Magazine (du 11 mars 2013), WOZ.