mercredi 23 avril 2025

Parce qu’il y a « Meyer » dans Meyerhold ?

Dans mon article précédent sur Camille Saint-Saëns, j’ai évoqué un faux circulant sur les réseaux sociaux, un prétendu discours d’une personnalité israélienne devant l’ONU qui sert essentiellement de prétexte à des Juifs crédules pour fanfaronner bêtement, et à des antisémites pour se conforter dans leur haine pathologique.

Ce faux comportait une liste erronée de personnalités juives censées avoir marqué l’Histoire humaine.

Outre Colomb, Ionesco, Montaigne, Nostradamus, Newton et Saint-Saëns, on y trouvait également Vsevolod Meyerhold, un dramaturge et metteur en scène russe assassiné par le régime stalinien en 1940.

Meyer... It doesn’t hold!

Je ne vois qu’une explication à cette méprise, aussi ridicule que le reste du texte en question : le fait que l’intéressé porte un nom à consonnance germanique commençant par « Meyer ».

Voici deux faits indiquant clairement que Meyerhold n’était pas juif du tout :

D’une part, il était né en 1874 à Penza, qui était la ville de ses parents. Son père y possédait une usine. Or, Penza était située à bonne distance de la zone de résidence, région ouest de la Russie où les Juifs enregistrés comme tels étaient cantonnés de force par le pouvoir impérial, dans des conditions matérielles souvent misérables, jusqu’en 1917.

D’autre part, il s’était converti du luthéranisme à l’orthodoxie à l’âge de 21 ans, passant donc d’une confession chrétienne à une autre.

Fils d’Emil Meyerhold et d’Alvina Danilovna van der Neese, Vsevolod Meyerhold venait d’une famille d’Allemands russifiés et la religion de ses parents était le protestantisme luthérien.


Sources : Encyclopedia Universalis ; Wikipedia, sur Meyerhold et sur la zone de résidence.

jeudi 17 avril 2025

Saint-Saëns, censé être juif

Sur Facebook, des internautes reprennent un plaidoyer qu’aurait prononcé à l’Assemblée générale de l’ONU une Israélienne nommée Miriam Novak, reprochant aux Européens leur attitude hostile envers la nation juive. En réalité, il s’agit d’un canular, d’un « fake ». La partie qui nous intéresse est celle-ci : 

« […] Pendant deux mille ans, nous avons vécu parmi vous, vous offrant nos connaissances, découvertes et inventions. Nous vous avons donné l’alphabet, la Bible, la Vierge Marie, Jésus-Christ, les douze apôtres, Spinoza, Disraeli, Colomb, Newton, Nostradamus, Heine, Mendelssohn, Einstein, […] Saint-Saëns, Kafka, […] Montaigne, Mahler, […] Stanley Kubrick, Irving Berlin, Edward Teller, […] Eugène Ionesco, […] Mark Zuckerberg […] et encore des milliers de scientifiques et d’éducateurs. Imaginez combien de génies semblables auraient pu naître des millions de Juifs tués par vous, puis de leurs enfants […] »

Ça n’a pas de sens !

Outre les maladresses et contresens que contient ce texte, cette prétendue liste de Juifs est truffée d’erreurs. Colomb, Newton, Nostradamus, Montaigne, Ionesco

L’auteur anonyme de cette fausse déclaration, faute de savoir se retenir de publier n’importe quoi, aurait été mieux inspiré de citer, par exemple, Siegfried Marcus et Emil Jellinek, grands pionniers de l’automobile, ou encore André Citroën, ainsi que László Biró, inventeur du stylo à bille, Jonas Salk à qui nous devons le vaccin contre la polio, Roland Moreno, inventeur de la carte à puce, et Martin Cooper, inventeur du téléphone portable.

Quant à Saint-Saëns, c’est bien la première fois que je tombe sur ce nom. Qu’est-ce qui a bien pu inspirer une telle erreur ? Son opéra Samson et Dalila ?

Camille Saint-Saëns était le fils de Jacques Joseph Victor Saint-Saëns et de Françoise Clémence Collin. Il avait été baptisé en l’église Saint-Sulpice, à Paris.

En 1853, à dix-huit ans, Camille Saint-Saëns était nommé organiste de l’église Saint-Merri et en 1857, de l’église de la Madeleine. Sachant que l’organiste est nommé par le prêtre avec l’accord du diocèse, on imagine mal un Juif devenir organiste titulaire dans une grande église parisienne, surtout à cette époque.

En outre, Saint-Saëns a écrit de la musique d’église, notamment une messe, un requiem, un oratorio de Noël et un Ave Maria. À dix-sept ans déjà, il avait composé une Ode à sainte Cécile qui lui avait valu un prix.

Enfin, ses funérailles ont été célébrées à l’église de la Madeleine.

Camille Saint-Saëns était né de deux parents catholiques sans ascendants juifs connus. Son patronyme est le nom de la commune normande dont ses aïeux étaient originaires, nommée d’après Sidonius, moine de Jumièges.


Sources : Encyclopedia ; Wikipedia.