lundi 18 février 2019

Hélène Grimaud et les « antisionistes »

Au milieu des années quatre-vingt-dix, dans une interview accordée au journaliste John Rockwell, du New York Times, Hélène Grimaud aurait déclaré que son père descendait de Juifs séfarades d’Afrique du Nord et que les ancêtres de sa mère étaient « des Juifs berbères corses ». Ses parents se seraient appelés Grimaldi et auraient francisé leur nom avant sa naissance.

Naturellement, ces fadaises n’ont pas manqué d’être reproduites ici et là, entre autres par Wikipedia qui se réfère également au site internet américain Musician’s Guide en ajoutant que la belle pianiste blonde aux yeux bleus descendrait de « Juifs algériens » du côté de son père.

Une bombe, la Grimaud !

De deux choses l’une : ou bien il a pris un jour à Hélène Grimaud la fantaisie de s’inventer une ascendance juive, sans doute pour se payer la tête du journaliste qui l’interviewait, ou bien c’est le journaliste qui a tout inventé.

Et cependant, il n’en aura pas fallu davantage pour que des fanatiques de la prétendue « cause palestinienne » se mettent à perturber ses concerts !

Dans son livre autobiographique Variations sauvages (Robert Laffont, 2003), Hélène Grimaud mentionne à deux reprises les cours de catéchisme qu’elle a suivis dans son enfance.

Son père, Claude Grimaud, est le fils de Clair Joseph Jean Grimaud et de Raymonde Cazarrelly. Clair Joseph Jean Grimaud était le fils de Jean-Baptiste Philippe Grimaud et de Joséphine Marie Jourgan. Jean-Baptiste Grimaud était lui-même le fils de Jacques Baptistin Grimaud. Quand on remonte l’arbre généalogique de la pianiste jusqu’au XVIIe siècle, côté paternel, le nom Grimaud est toujours présent, et les épouses des Grimaud portent également des noms à consonance française. Nulle trace de Grimaldi, ni de noms juifs, séfarades ou autres, et nulle trace de l’Algérie ni de l’Afrique du Nord.

La mère d’Hélène Grimaud, Josette Cirelli, née en Corse, est la fille d’Antoine Cirelli et de Pauline Bartoli, tous deux corses. La belle pianiste précise dans son livre (ibid.) que sa mère, qui est corse, vient d’un petit village de montagne, Olmo. Bartoli est aussi le nom de la mère de la chanteuse Jenifer, et les ascendants de Jenifer sont juifs du côté de son père, Michel Dadouche, mais pas de sa mère, Christine (eh, oui) Bartoli, d’origine corse. À propos de la légende des Corses qui seraient d’origine juive, voir le dernier paragraphe de mon article sur Marie-Dominique Culioli.


Sources : Hélène Grimaud, Variations sauvages (Robert Laffont, 2003) ; Genealogie Magazine ; geneanet.org ; Last Night in Orient (blog sur la musique arabe) ; New York Times ; Wikipedia.

mardi 12 février 2019

Marie d’Agoult, juive par son pseudonyme ?

Marie d’Agoult, qui écrivait sous le nom de plume de Daniel Stern, était la fille d’Alexandre Victor François de Flavigny, un noble français émigré pendant la Révolution, et de Maria Elisabeth Bethmann, laquelle était issue d’une famille de banquiers protestants.

Sur Facebook, une intervenante a affirmé – tout bêtement – que les Bethmann étaient une famille de Juifs allemands convertis au protestantisme. Cette même personne a également affirmé ce bobard avec aplomb sur son site internet consacré à Marie d’Agoult.

Bethmann, c’est juif ?
Et Daniel Stern ?

Or, une recherche sur Internet permet de constater que personne, en dehors de cette internaute, n’a jamais fait mention d’une origine juive chez les ascendants de Marie d’Agoult, née Marie Catherine Sophie de Flavigny, éduquée au couvent des Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus et mariée au comte Charles Louis Constant d’Agoult.

La mère de Marie d’Agoult, Maria Elisabeth Bethmann, d’origine allemande, était la fille de Johann-Philipp Bethmann et de Catharina Margaretha Schaaf.

Johann-Philipp Bethmann était le fils de Simon Moritz Bethmann et d’Elisabeth, née Thielen, lesquels étaient tous les deux protestants et nés de parents protestants.

Le père de Catharina Margaretha Schaaf s’appelait Anton Schaaf et sa mère s’appelait Susana Scheidt, ou von Scheidlin, selon les sources.

Dans ses écrits, Marie d’Agoult nous montre bien que ses ascendants n’étaient absolument pas juifs : « ...ma mère qui, à demi française, avait perdu à l’égard des juifs, comme à tant d’autres égards, l’âpreté des préjugés francfortois... »

Autre exemple, cette réaction de sa grand-mère maternelle Catharina Margaretha Schaaf, apprenant par son fils, l’oncle de Marie d’Agoult, que celui-ci et son épouse avaient reçu la visite d’Amschel Rothschild à l’occasion de la naissance de leur fils :

« Il n’avait pas prévu le soulèvement d’indignation qu’il provoqua. Quoi ! Ce malheureux fils de juif allait venir en sa maison, il allait entrer dans la chambre de sa belle-fille, toucher de ses mains, peut-être, le berceau chrétien de son petit-fils ! Cette pensée la mettait hors d’elle-même, et il ne fallut rien de moins que l’accord de toute la famille pour la réduire à supporter ce changement des temps et cette incroyable diminution de la fierté chrétienne dans sa propre famille ! »

Marie d’Agoult nous explique donc dans ses écrits que chez ses ascendants, et jusqu’à sa grand-mère du côté maternel, on cultivait de vilains préjugés à l’encontre des Juifs. Par ailleurs, sa fille Cosima, très antisémite, allait épouser successivement deux hommes aussi antisémites qu’elle, tout d’abord Hans von Bülow, puis Richard Wagner, et devenir par la suite la belle-mère de l’ignoble nazie Winifred Wagner.


Sources : Marie d’Agoult, Mes Souvenirs (publié sous le nom de Daniel Stern)  ; ibid.; geneanet.org ; Wikipedia, sur Marie d'Agoult et sur les Bethmann.

vendredi 8 février 2019

Dieu, Rothschild et Macron... et l’Algérie

Je n’y croyais pas, et pourtant, c’est arrivé : en décembre 2018, sur Facebook, un intervenant, lui-même juif, a déclaré en guise de commentaire, à propos de je ne sais plus quelle publication, que la mère du président Macron était « d’origine juive algérienne ». Plaisantait-il ? Dans tous les cas, il ne semblait pas se prendre trop au sérieux, car lorsque je lui ai porté la contradiction, il a salué ma réponse d’un émoticône souriant.

Emmanuel Macron a cependant été, depuis le début de sa première campagne électorale, la cible d’une foule d’antisémites : non pas parce qu’on le croyait juif, mais parce qu’avant de se lancer dans la politique, il avait occupé un emploi de cadre supérieur au sein de la banque Rothschild & Cie.

Deux bons amis des Juifs

Comme le révèlent tristement certaines manifestations de rue – ou de rond-point –, le nom de Rothschild est toujours associé aux mêmes fantasmes absurdes et nauséabonds qu’au temps de Drumont, de Willette, de Céline et de Pétain.

Pour en revenir à notre sujet, j’ai déjà fait remarquer que la notion d’origine(s) juive(s) était apparemment très élastique. Quoi qu’il en soit, on ne connaît à Emmanuel Macron aucun ascendant juif, ni du côté maternel, ni du côté paternel.

Le père d’Emmanuel Macron, Jean-Michel, est le fils d’André Macron et de Jacqueline, née Robertson, elle-même fille de George William Robertson et de Suzanne Leblond, fille d’Eugène Leblond et d’Alice Tison. Bien évidemment, aucun de ces patronymes ne suggère des « origines juives ».

La mère d’Emmanuel Macron, Françoise Noguès, est la fille de Jean Noguès et de Germaine, née Arribet, elle-même fille d’Ernest Arribet et de Marie-Madeleine, née Millet, cette dernière ayant eu pour parents Isidore Millet et Sophie, née Cha. J’ignore d’où vient ce dernier patronyme, mais il ne semble pas qu’il soit porté par des Juifs davantage qu’Arribet, Millet ou Noguès (surtout avec pas moins de 78 Jean-Baptiste recensés sur le Web). En outre, comme je l’ai déjà mentionné ailleurs, le prénom Marie-Madeleine fait clairement référence à l’iconographie chrétienne.

Rien n’indique, non plus, un lien quelconque avec l’Algérie.

Inutile de pousser plus loin les recherches.


Sources : geneanet.org ; Wikipedia.