mercredi 28 avril 2021

Pourquoi Antoine de Caunes ?

Sans doute s’agit-il d’un phénomène déjà évoqué dans mes articles précédents : partant du principe qu’on ne verrait « que des Juifs » à la télévision française, certains déficients mentaux affirment que tel ou tel animateur, journaliste ou acteur est juif, alors même que rien ne l’indique et que tout suggère le contraire.

C’est le cas pour Thierry Ardisson par exemple, ainsi que pour Jean-Marc Morandini et Patrick Sabatier.

L’homme est un Juif comme les autres...

C’est également le cas concernant Antoine de Caunes. Quel rapport celui-ci entretient-il avec les Juifs ?

En 1998, Antoine de Caunes a incarné un Juif dans le film de Jean-Jacques Zilbermann « L’homme est une femme comme les autres » et cette prestation lui a valu un César.

Et puis, de 1997 à 2005 il a été en couple avec Elsa Zylberstein, premier rôle féminin dans le film en question, dont le père est juif.

Une hypothèse assez vraisemblable est que certains obsédés auront supposé, sans chercher à le vérifier, que de Caunes était un pseudonyme.

Il n’en est rien. Antoine de Caunes est le fils de Georges de Caunes, lequel descend d’une famille de l’ancienne bourgeoisie du Languedoc.

La mère d’Antoine de Caunes, Jacqueline Joubert, de son vrai nom Jacqueline Pierre, est la fille de Léon Pierre et de Léa Edith Népoux, laquelle était la fille de Louis Népoux et de Marie Caute, cette dernière ayant eu pour parents Jean Caute et Marie Petit.

Petit n’était pas la francisation de Klein. Marie Petit était la fille de Jean Petit et de Marie Fougeret, et l’arbre généalogique d’Antoine de Caunes remonte jusqu’aux alentours de 1800 avec des noms comme Beauviel, Blanchet, Cazal, Ferran, Girad, Santon, Veillon, etc.

Sentons donc à quel point de tels racontars sont ridicules, et veillons à ne pas les propager.


Sources : Geneanet, pages concernant Emma de Caunes et Jacqueline Joubert ; Wikipedia sur Antoine de Caunes, sur Jacqueline Joubert et sur Georges de Caunes.

mardi 13 avril 2021

Smetana et sa descendance juive

Le 13 avril 2021, le site internet Dreuz.info reproduisait un article de Cécile Pilverdier, auparavant publié sur le site internet Un écho d’Israël et repris par l'Amitié judéo-chrétienne de France (ACJF), consacré à l’histoire de l’hymne national israélien. L’article commençait ainsi : « En 1824 à Prague, naît un Juif nommé Bedrich Smetana… »

Le fameux thème de « La Moldau » est censé avoir inspiré la Hatikva : cela suffit-il pour affirmer que Smetana était juif ? L’auteur précisait tout de même que Smetana s’était inspiré d’une « ritournelle populaire ».

Barbora Smetanová,
la mère d’un Juif ?

En fait, il s’agit d’une de ces mélodies qui ont traversé le temps et qui ont été utilisées par divers compositeurs. L’hymne israélien aurait pu tout aussi bien avoir été inspiré par la Chanson des marins du Pavot rouge du compositeur russe Reinhold Morizovitch Gliere. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres de morceau de musique inspiré, directement ou non (et notamment dans les pays de l’Est), de La Mantovana, un chant déjà repris par Gasparo Zanetti en 1645 et attribué à Giuseppe Censi – ce qui nous fait remonter à l’Italie du tout début du XVIe siècle, au bas mot.

Il semble que l’auteur de l’article se soit référé à un article d’Avner Avrahami paru le 11 février 2004 dans le journal israélien Haaretz, dans lequel il est mentionné qu’un certain Yitzhak Smetana, citoyen israélien, serait un descendant du compositeur.

Notre-Dame de Tyn (© MR)

Que sait-on des origines et de la religion de Smetana ? On sait au moins, si l’on s’est donné la peine d’effectuer une petite recherche (et si, à défaut de connaître le tchèque, on sait se servir de Google Traduction), qu’il était né en 1824 à Litomyšl – et non pas à Prague – et avait été nommé non pas Bedrich, mais Fridrich, et baptisé (sous ce nom).

On sait aussi que le jeune Fridrich, devenu Bedrich, avait chanté des solos de soprano dans une église.

On sait également que ses obsèques ont eu lieu en l’église Notre-Dame de Tyn, à Prague, et que la date de sa mort est consignée dans le registre des décès et des sépultures de la paroisse de l’église St. Apolináře, dans la nouvelle ville de Prague.

La sépulture de Smetana, même si elle ne comporte aucune croix, n’a rien de juif.

Žofia Smetanová,
la fille d’un Juif ?

On peut remarquer que sur un portrait de sa mère, Barbora Smetanová, née Lynková, celle-ci porte en pendentif une croix carrée. Ajoutons qu’elle était de la famille de Jiří Ignác Linek, musicien connu en particulier pour ses pastorales de Noël.

Par ailleurs, un daguerréotype nous montre une des filles de Smetana, Žofia Smetanová, arborant en pendentif une grosse croix chrétienne.

Après avoir perdu sa femme et trois de ses quatre filles, Bedrich Smetana s’est installé à Göteborg, en Suède, en 1856 et y a séjourné jusqu’en 1863.

Là, il aura notamment dirigé le chœur de la synagogue et aura eu une liaison avec l’une des deux filles du cantor. Celle-ci lui aura donné deux fils.

Voilà qui explique que Smetana ait pu avoir des descendants juifs et israéliens.

De là à écrire que serait né en 1824 « un Juif nommé Bedrich Smetana »…


Sources : ACJF ; Dreuz.info ; Haaretz ; Wikipedia, sur Jiří Ignác Linek, sur La Mantovana et sur Smetana, en français et en tchèque.

vendredi 9 avril 2021

Chrétien n’était sûrement pas juif

Certains chercheurs ont envisagé la possibilité d’une origine juive de Chrétien de Troyes, et il n’en a pas fallu davantage pour que l’on entende dire çà et là que ce célèbre auteur de l’époque médiévale était juif lui-même.

Or, comme je l’ai déjà fait remarquer, il y a souvent loin entre une « origine juive » et une identité juive.

Chrétien, deux, trois...

En outre, l’hypothèse en question repose sur des bases bien fragiles. Tout d’abord, certains font valoir que dans le passé, une importante communauté juive a vécu dans la ville de Rashi. On voudra bien admettre que ce n’est pas un argument sérieux.

Ensuite, il y a le fait que Chrétien de Troyes ait signé l’ouvrage Philomena sous le nom de « Crestien li Gois ». Il a été dit que « li Gois » signifiait « le Goy » et que seul un juif converti pouvait se désigner ainsi. Cependant, il se peut tout aussi bien que « Gois » ne soit qu’une déformation de Gouaix, village situé à proximité de Troyes.

Enfin, certains amateurs de paradoxes ne se seront pas privés de supposer qu’il faut être juif pour se nommer Chrétien (à ce propos, voir mon article sur Hervé Cristiani). Les mêmes pourront reprendre à leur compte la légende selon laquelle l’inquisiteur Torquemada aurait été un juif converti.

Des historiens ont aussi supposé que Chrétien pouvait être issu d’une famille de la petite noblesse, ou bien, qu’il avait été chanoine. Il semble que l’on ne dispose pas d’éléments permettant de trancher.

Il a également été dit que la signature « Crestien li Gois » pouvait avoir été ajoutée par un des compilateurs de son œuvre.

Surtout, dans le Conte du Graal, Chrétien parle des Juifs comme de « félons qu’on devrait abattre comme des chiens » (sic), ce qui « paraît peu compatible avec une éventuelle judéité » (Wikipedia).


Sources : Estelle Doudet, Chrétien de Troyes, Tallandier, 2009 ; Philippe Walter, Chrétien de Troyes, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1997 ; Wikipedia.