mercredi 15 mars 2017

Dans la série « ils sont juifs » : Ingmar Bergman

Dans un de ses films, L’Œuf du serpent, Ingmar Bergman met en scène un jeune Juif qui assiste à la nazification de l’Allemagne. Mais surtout, il semble que des gens peu soucieux de rigueur soient prompts à prêter une identité juive à quiconque porte un nom en « -berg » ou en « -man ». Il était donc inévitable que certains tiennent pour juif un cinéaste dont le nom est formé de ces deux syllabes.

Erik Bergman en chaire
(et en hausse)

Il existe effectivement des Juifs qui portent ce nom ou une de ses variantes. J’ai moi-même connu un Bergman brésilien d’origine juive polonaise (quoique plus marxiste que juif en matière de convictions).

Cependant, à l’instar des Michel, des Picard et des Simon, il s’en faut de beaucoup que tous les Bergman soient juifs.

Ernst Ingmar Bergman est né dans une famille de luthériens, ce qui est extrêmement banal, du moins pour l’instant encore, dans un pays comme la Suède.

La famille Bergman habitait même un presbytère, car Erik Bergman, le père d’Ingmar, était pasteur. Il soumettait sa famille à une discipline très rigide et élevait ses enfants « dans la traque obsessionnelle du péché et du repentir » (Wikipedia).

Une partie de l’œuvre de Bergman est inspirée de ces souvenirs. Ainsi, dans son film Les Communiants (1962), le cinéaste règle ses comptes avec la religion en mettant en scène un pasteur qui perd la foi. Le personnage est inspiré de la figure de son père.

En 1934, dans le cadre d’un programme d’échange, le jeune Ingmar avait été envoyé en Allemagne. Sa famille d’accueil l’avait emmené assister à un discours d’Hitler, dans un stade de Weimar. Après son retour en Suède, l’idéologie nazie avait fait des adeptes dans sa propre famille, notamment son frère qui allait faire partie des fondateurs et des membres actifs du parti national-socialiste suédois.

mercredi 1 mars 2017

Assez loin des Lévi, Johann Strauss

Il aura suffi que le grand-père de Johann Strauss (premier du nom) soit juif pour que certains fassent cas des origines juives du compositeur de la Marche de Radetzsky, surnommé le Roi de la valse, et de son fils, Johann Strauss II, auteur du Beau Danube bleu et autres valses viennoises.

Immanquablement, l’information aura été amplifiée et déformée, si bien qu’on entend dire aujourd’hui que le fondateur de la dynastie était lui-même juif.

Johann Strauss I

Claude Lévi-Strauss, pourtant pas particulièrement porté sur la fidélité à ses racines, revendiquait un lien de parenté avec cette famille de musiciens, du côté de son arrière-grand-père Isaac Strauss.

Le nom Strauss est porté par des Juifs comme par des non-juifs. C’est un patronyme germanique très répandu.

L’inventeur du blue-jean, un monsieur Strauss dont le prénom était Lévi, était juif. Le philosophe Leo Strauss était juif lui aussi.

En revanche, l’homme politique allemand Franz-Josef Strauss n’était absolument pas juif, pas plus que le compositeur Richard Strauss qui, sous Hitler, avait été nommé à la tête du Reichsmusikkammer (mais dont le degré de compromission avec le nazisme semble très controversé).

Quant à Johann Strauss premier du nom, fondateur de la fameuse dynastie de musiciens viennois, il était le petit-fils d’un Juif converti. Un seul de ses grands-parents était juif de naissance, en l’occurrence, son grand-père paternel.

Dans la dynastie Strauss, nous avons ensuite son fils, Johann Strauss II, dont on peut supposer que sept arrière-grands-parents sur huit n’étaient pas juifs. Il y a eu aussi un Johann Strauss III, qui n’était pas le fils de Johann Strauss II mais d’Eduard Strauss II, ce dernier étant cependant le fils d’Eduard Strauss I.

Les Strauss avaient donc adopté cette coutume chrétienne, étrangère à la tradition juive et en opposition avec les principes fondamentaux du judaïsme, qui consiste à donner à un fils le prénom de son père (voir mes articles précédents, notamment sur Rockefeller, Chaplin, Ionesco, etc.)...


Sources : site internet de la BNF ; Lemaire (Frans C.), Le Destin juif et la musique (Fayard, 2001).